La proposition de révision de la Directive Tabac en Europe ainsi que les travaux parallèles de la US FDA montrent d’intéressantes divergences. En Europe, il s’agit de médicaliser le produit, en fixant des normes telles que l’usage actuel se verra réduit à un dispositif utilisable dans une optique de sevrage tabagique en traitant tous les fumeurs comme des malades. Finies, l’alternative plaisante au tabagisme et l'option de réduction du risque.
Aux USA, c’est la piste du produit assimilable au tabac qui prévaut. Il s’agit de faire accepter que la nicotine est un dérivé du tabac et qu’à ce titre sa règlementation doit s’appliquer. Comme ladite règlementation est extrêmement sévère, le produit est aussi condamné.
Deux systèmes de règlementation pilotés par des lobbys opposés aboutissent, par des chemins tout à fait incompatibles, au même résultat : la protection d’un marché face à l'irruption d'une offre développée et dominée par la Chine.
Le pragmatisme de l'industrie du tabac
Depuis des années, les cigarettiers anticipent la baisse de leurs activités dans les pays à fort pouvoir d’achat. Les produits contenant de la nicotine mais sans les effets nocifs du tabac sont un axe stratégique de développement [1, 2, 3].
La prise de contrôle du deuxième fabricant US de cigarettes électroniques, Blu, par Lorrillard, le troisième marchand de cigarettes sur le marché US, avait marqué les esprits. British American Tobacco a eu l’idée géniale d’annoncer sa prise de contrôle du fabricant anglais Intellicig le jour de la présentation de la révision de la Directive Tabac en Europe. Peut-être pour montrer l’inanité de ce projet et le saboter d’ailleurs.
Nous pensons que tous les grands acteurs occidentaux de la cigarette électronique passeront bientôt sous la coupe de Big Tobacco. Les fabricants chinois, aux prix de revient imbattables, garderont seuls leur marge de manœuvre. De cette façon, les distributeurs de tabac pourront diversifier leurs activités et compenser l'inexorable déclin de leur ventes.
Big Pharma veut tuer l’innovation
Du côté des acteurs de l'industrie pharmaceutiques, nous avions posé la question : Qui de Pfizer ou GlaxoSmithKline sera le premier à annoncer une cigarette électronique pour l'arrêt du tabac ? Notre réponse penchait plutôt pour Pfizer, qui doit impérativement trouver un remplacement au calamiteux Champix si cher à notre bon Pr Dautzenberg (dangereux et inefficace en outre). Nous risquons d’être déçu ! Il n'y a qu'une étude industrielle en vue d'une Autorisation de Mise sur la Marché (AMM) en cours, en Angleterre, par Intellicig justement. Aucun signal d'une étude financée par un industriel du médicament.
Cela indique dire que, contrairement à Big Tobacco, Big Pharma ne s'est pas encore lancé dans le business. Par conséquent, les manœuvres pour la règlementation de la ecig comme un médicament n'ont pas vocation à aboutir à un produit commercial dans un horizon prévisible. Les affidés de Big Pharma qui font la promotion des patchs et autres gri-gris ne sont pas prêts d'avoir une ecig autorisée par les agences compétentes. Compte tenu du temps que prennent les études et le dossier d'homologation, il faut compter des années. D’où les discours chaloupés des tabacologues, contraints et dépités : deux pas en arrière, un pas en avant. En attendant un éventuel Graal, il y a urgence pour eux à semer la graine du doute en disant avec un air docte : “On ne sait pas”. Certains savent très bien ce qu’il en est de l’efficacité de la cigarette électronique pour cesser le tabac, mais ils ne peuvent recommander que des produits labélisés et monopolisés par leurs sponsors.
Pourquoi une telle tactique défensive en agissant sur la règlementation ? Pour tuer un marché concurrentiel, tout simplement. Big Pharma veut la mort de la ecig plaisir avant d’investir le marché. Cela protège son juteux business des substituts nicotiniques et freine les ardeurs de Big Tobacco. L’innovation et la santé des fumeurs finiront-ils par l'emporter ?
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