Fondateur et électron libéré de la tabacologie française, professeur honoraire à la Faculté de médecine de Paris, Robert Molimard n’a eu de cesse de défendre le parti des fumeurs, qui sont les premières victimes du tabagisme.
D’abord circonspect, il fait maintenant partie des promoteurs de la cigarette électronique. Voici la position qu’il a publiée récemment, que nous partageons sans réserve.
La e-cig, ça devient sérieux
La cigarette électronique, c'était d'abord un gadget. On bravait impunément les interdictions de fumer. Car les vapoteurs ne font pas de fumée, simplement un petit nuage de vapeur d'eau, comme il en sort de la bouche des passants par un glacial matin d'hiver. Était-ce un engouement passager, comme la fureur pour le yoyo ou le hula hoop ?
Non. Les ventes doublent tous les ans. Les fumeurs s'y accrochent, même à celles sans nicotine ! Cela satisfait donc surtout leur besoin du geste, des sensations dans la gorge et des arômes. Ils disent fumer moins depuis qu'ils vapotent. Certains arrêtent même complètement le tabac.
Est-elle dangereuse ? Le propylène glycol, parfois la glycérine, sont très avides d'eau. La cigarette les vaporise autour de 60 °C. Chargés en vapeur d'eau, ils sont inhalés dans l'ambiance chaude et humide des poumons où leur vapeur finit de se saturer. Rejetée dans l'air extérieur plus froid, cette eau se condense en buée, imitant la fumée. C'est utilisé dans des effets de théâtre. Le propylène glycol est un antigel mais, contrairement à l'éthylène glycol, il n'est pas toxique. Additif alimentaire autorisé, il est très utilisé comme liant, conservateur d'humidité etc. au point qu'on en ingurgite près de 2 g par jour, autant qu'un vapoteur. À forte concentration, il irrite les muqueuses qu'il dessèche mais, suffisamment dilué, c'est un excipient de collyres et gouttes nasales.
La plupart des e-cig contiennent de la nicotine, certes toxique, mais qui ne fait pas la dangerosité du tabac. Restent des arômes. Certains évoquent ceux du tabac, d'autres sont en général alimentaires, chocolat, vanille, menthol, etc. On ne sait pas quels risques éventuels à les inhaler à long terme, mais ils ne font pas la dangerosité du tabac, qui contient souvent les mêmes.
Par rapport au tabac, les avantages de la e-cig sont évidents. Pas de combustion, donc pas d'incendies, pas d'oxyde de carbone, pas de goudrons, pas de fumée obscurcissant l'atmosphère et faisant tousser le voisin, pas de tabagisme passif. Si elle pouvait se substituer totalement ou en partie au tabac, quel prodigieux bénéfice pour la santé publique ! Son succès grandissant devrait donc soulever d'enthousiasme ceux qui combattent le tabagisme, et désespérer les fabricants de tabac. Mais ceux-ci sentent le vent et songent, sinon à une favorable reconversion, du moins à occuper ce marché. Imperial Tobacco, Philip Morris, BAT, Altadis, tous veulent fabriquer des e-cig, ou ont acheté des marques existantes.
Mais la e-cig concurrence aussi les médicaments à la nicotine. Là, la bataille est féroce. Certes il faudrait absolument qu'après une période où chacun bricolait sa formule en secret, la composition en soit déclarée et contrôlée, comme pour tout produit. Les fabricants eux-mêmes en sont conscients pour leur crédibilité. Mais les lobbies pharmaceutiques cherchent à obtenir son interdiction au nom d'une toxicité potentielle non démontrée. En fait, c'est clairement pour éliminer toute concurrence aux gommes et aux patches. Ils veulent qu'elle soit assimilée à un médicament, soumise à des contrôles aussi rigoureux (pourquoi pas la Marlboro en pharmacie !). Déjà la Commission Européenne propose de limiter le contenu en nicotine, ce dont la e-cig ne se relèvera peut-être pas. Après avoir interdit le snus, voilà que l'Europe va condamner le fumeur à courir à sa mort enfumée, en lui fermant toute échappatoire autre que les gommes et les patches, dont l'inefficacité est notoire. Pour une organisation qui devrait protéger la santé, céder à ces lobbies est proprement CRIMINEL.
NDLR : Cet article est une pertinente réponse à celui du Pr Dautzenberg paru dans Le Monde le 7 février dernier : Réglementons la cigarette électronique sans délai.
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