Confier à l'industrie pharmaceutique le monopole de la cigarette électronique avec nicotine serait un crime contre les fumeurs dépendants et ceci ne doit pas être imposé par le droit européen.
Le projet révision de la directive Tabac [1] englobe les alternatives au tabac fumé, comme le tabac oral Snus dont il confirme et renforce l'interdiction de la vente dans l'Union Européenne à l'exception de la Suède, ainsi que d'autres produits contenant de la nicotine à l'instar de la cigarette électronique. Pour se faciliter la tâche sur un sujet que les Commissaires Européens ont peut-être considéré comme marginal, il a été proposé d'assujétir les liquides contenant de la nicotine à la réglementation des produits pharmaceutiques. Ce projet, en quelques mots, signe l'acte de décès de cette innovation plébiscitée et l'envoi de millions de vapoteurs européens dans les camps de la mort. Le racket de la vente des e-liquides par l'industrie pharmaceutique relèverait d'une complicité criminelle.
Nous comprenons bien l'intérêt de Big Pharma à récupérer les opportunités commerciales de la cigarette électronique et à compenser la disparition à terme des prétendus "substituts nicotiniques" dont l'efficacité est théoriquement douteuse et pratiquement nulle. La seule explication possible à la main-mise de l'industrie sur la vente de nicotine est un arrangement économique. La santé des fumeurs est-elle prise en compte ? Non, par conséquent et en vertu du traité constitutif de l'Union [2], la Commission Européenne et la Direction Santé-Consommation qui ont porté ce projet doivent revoir leur copie.
L'avis de l'agence de sécurité du médicament française de limiter à 2 % le dosage en nicotine dans les liquides de vaporisation et la quantité de nicotine à 10 mg "par cartouche" permet un usage efficace et sans risque notoire [3]. Il n'y a pas lieu de descendre ces seuils à 0,4 % et 2 ml respectivement : avec de tels conditionnements, le sevrage du tabagisme est rendu problématique et des millions de vapoteurs européens seraient amenés à reprendre le tabac ou à monter des réseaux illégaux pour continuer à s'approvisionner. Ceci serait criminel, répétons-le. Les pires extrémités sont à craindre en réaction à une telle restriction de liberté.
Il convient de faire condamner la duplicité des experts médicaux de l'UE
Ces mots vous choquent peut-être. Vous serez alors encore plus choqué par la lecture du point de vue du Pr Peter C. Gøtzsche publiée en décembre dernier dans le réputé British Medical Journal [4] :
Les nombreux délits de l’industrie pharmaceutique pourraient être évités
si les médecins décidaient de ne pas en être complices.
Pour respecter la pensée et l'accusation violente de ce scientifique primé, nous vous proposons les extraits suivants tels qu'ils sont publiés :
When a drug company commits a serious crime, the standard response from the industry is that there are bad apples in any enterprise. Sure, but the interesting question is whether drug companies routinely break the law. I googled the names of the 10 largest drug companies in combination with the term “fraud” and looked for offences on the first page for each company.Doctors are often complicit in these crimes, as kickbacks and other forms of corruption were common; they were induced to use expensive drugs and paid to lend their names to ghostwritten articles purporting to show that a drug works for unapproved conditions. [...] As doctors have access only to selected and manipulated information, they believe drugs are far more effective and safe than they really are. Thus, both legal and illegal marketing leads to massive overtreatment of the population.
[...] Fines need to be so large that companies risk going bankrupt. Top executives should be held personally accountable so that they would need to think of the risk of imprisonment when they consider performing or acquiescing in crimes, not the detection rate, seems to be increasing. Top executives should be held personally accountable so that they would need to think of the risk of imprisonment when they consider performing or acquiescing in crimes.Last but not least, doctors and their organisations should recognise that it is unethical to receive money that has been earned in part through crimes that have harmed those people whose interests doctors are expected to take care of. Many crimes would be impossible to carry out if doctors weren’t willing to participate in them.
Le réquisitoire est sans appel. Faute d'autre solution efficace pour faire cesser la pharmacollusion, les experts médicaux complaisants sur la réglementation pharmaceutique de la nicotine pourraient avoir à en rendre compte au pénal. La justice sera moins complaisante.
Références
- Directive européenne sur le tabac : projet de proposition pour (et contre) la cigarette électronique
- CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX DE L'UNION EUROPÉENNE (2000/C 364/01), proclamée à Nice, le sept décembre 2000 ; Article 35 - Protection de la santé :
"Un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en oeuvre de toutes les politiques et actions de l'Union." - Afssaps, Cigarette électronique - Point d'information, 30 mai 2012
- cf. Peter C Gøtzsche ; Big pharma often commits corporate crime, and this must be stopped ; BMJ 2012;345:e8462 doi: 10.1136/bmj.e8462 (Published 14 December 2012) ; nous traduisons l'anglais "crimes" par "délits".
Chercheur et directeur du centre nordique Cochrane, Peter Gøtzsche est auteur de l'ouvrage "Mammography screening. Truth, lies and controversy" (2012) qui a obtenu un prix de l'association Prescrire en 2012.
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Très bon article.
Cependant il me semble qu'il y a une petite erreur, concernant la limite autorisée par l'Affsaps:
Il s'agit de 10mg de nicotine par cartouche (et non de 10mL par flacon d'e-liquide).
http://ansm.sante.fr/S-informer/Presse-Communiques-Points-presse/L-Afssaps-recommande-de-ne-pas-consommer-de-cigarette-electronique-Communique
Rédigé par : Gaëtan | 08/02/2013 à 18:04