Christophe Hondelatte anime avec passion sur la chaine Numéro 23 chaque dimanche le talk-show « Hondelatte Dimanche ». E-cigarette au bec, il débattait le 17 mars dernier avec Nicolas Bourgeois-Legrain, avocat et cofondateur de Altersmoke, un distributeur parisien de cigarette électronique et le patelin Bertrand Dautzenberg en tant que référence médicale sur le sujet [1].
Nous y avons noté la comédie du médiatique Bertrand Dautzenberg au sujet de l’usage de la cigarette électronique pour les femmes enceintes n’ayant pas réussi à cesser de fumer avec les méthodes recommandées par les très hautes autorités sanitaires (dont il était expert encore il y a peu). Voici la transcription de la séquence (nous soulignons) :
Pour les femmes enceintes, c'est peut-être mieux que la cigarette, c'est peut-être moins bien. Alors comme on ne sait pas pour les femmes enceintes...
Chez les femmes enceintes, ce qui empêche le bébé de croître, c'est l'oxyde de carbone : [avec la cigarette électronique] il n'y a plus d'oxyde de carbone.
Sur les femmes enceintes, quand elles fument un produit cancérogène, le bébé a plus de chances de faire un cancer après. Donc le tabac pendant la grossesse, c'est la "cata".
Donc nous on conseille d'arrêter de fumer ou de prendre des substituts nicotiniques, où on sait exactement ce qui se passe.
Avec les e-cigarettes, c'est possible que chez les femmes enceintes qui n'arrivent pas à s'arrêter avec les substituts, cela puisse faire du bien, ça puisse faire du mal. Mais comme on n'en sait rien, chez les femmes enceintes quand on ne sait pas, on fait une comédie, on met "contre-indiqué chez la femme enceinte". Mais peut-être que dans cinq ans une étude montrera que chez la femme enceinte qui fume, c'est une solution.
Est-ce que ces propos sont justifiés ? Cela est à voir :
- Même gratuites ou remboursées, les solutions "recommandées" par Bertrand Dautzenberg sont inefficaces ;
- les risques éventuels du vapotage pour les femmes enceintes sont a priori minimes ;
- le risque de fumer étant certain, le principe de précaution doit s’appliquer.
En conclusion, le recours à la cigarette électronique ne doit pas être écarté.
Les solutions recommandées sont inefficaces
Beaucoup de futures mamans cessent de fumer dans les minutes, les heures ou les jours suivant la confirmation qu’elles sont enceintes. Le plus souvent – c’est remarquable – cet arrêt franc ne s’accompagne pas des horribles symptômes énoncés par les tabacologues, comme si devenir bientôt maman supprimait toutes ces souffrances (que d’autres éprouvent lors de l’arrêt quand bien même avoir envie de fumer ne fait mal nulle part).
Pour beaucoup d'autres, la cessation du tabagisme est un échec. Deux études récentes [2, 3] montrent que les aides recommandées sont inefficaces. Elles le sont en population générale comme nous le démontrons sur UnAirNeuf.org depuis des années, mais elles le sont aussi et malheureusement surtout avec les femmes enceintes. La tabacologie institutionnelle est impuissante à accomplir ce qu’elle recommande. Dans ce cas, il convient d’envisager l’alternative cigarette électronique, dont les risques sont a priori réduits.
Les risques du vapotage pour les femmes enceintes
Voici ce que l’on sait et ce que l’on ne sait pas :La nicotine
Les effets de la nicotine ont été bien étudiés. B. Dautzenberg recommande éventuellement l’usage de palliatifs pharmaceutiques : ce n’est pas du côté de la nicotine qu’il y aurait des raisons d’écarter la cigarette électronique.
Le risque est d’autant moindre que beaucoup de vapoteurs et vapoteuses réduisent significativement leur prise de nicotine au fil du temps, comme s’il se manifestait une certaine intolérance à l’encontre de ce produit. Ce constat permet d’ailleurs de montrer le caractère mythique de ce qui est nommé “la dépendance à la nicotine” : dépendance au tabagisme, oui, dépendance au vapotage : cela reste à établir scientifiquement. Vapoter devient vite une habitude, comme boire du café, sans qu’il y ait de souffrance dû au manque.
Le propylène glycol
Quels peuvent être les autres risques ? Il y a le risque de l’inhalation de Propylène Glycol et/ou de Glycérine végétale : ces produits sont généralement reconnus comme sans danger [4]. Les essais sur animaux n’ont pas montré de risque particulier : les études sur l’homme sont donc possibles. On l'envisage concernant les vapoteurs réguliers en cas d’usage intensif durable mais en attendant on constate que vapoter améliore les paramètres vitaux des anciens fumeurs.
Chez l’Animal, le propylène glycol n’a pas d’effet tératogène (développement des malformations congénitales). Chez la femme, il n’existe pas d’études au cours de la grossesse. Le propylène glycol peut toutefois exposer à des surdoses chez les prématurés ou aux nouveau-nés atteints d’insuffisance rénale avec des effets indésirables cardiaques, rénaux et respiratoires.
Les arômes
Parmi les dérivés terpéniques, le menthol et le linalol sont parfois contenus dans des e-liquides à vaporiser (arômes mentholés). Les études menées chez l’animal avec divers terpènes (camphre, isoeugénol, thymol, eucalyptus, huiles essentielles de pin) n’ont pas rapporté d’effet tératogène.
Nous n’avons pas identifié d’études scientifiques chez des fœtus et les bébés exposés in utero au menthol. La survenue de troubles neurologiques, dont des convulsions, chez des jeunes enfants qui prennent des produits à base de dérivés terpéniques, même à faible dose, fait craindre un risque potentiel pour les fœtus exposés in utero aux dérivés terpéniques.
C'est tout, c'est peu. Si l’on suit le raisonnement de notre Raminagrobis des plateaux télévisés,
- “le tabac c’est la cata” et
- vapoter ne présente pas les risques connus du tabagisme,
Appliquer justement le principe de précaution
Certes la prise de position de B. Dautzenberg semble légitime, notamment selon l'article 14 du Code de déontologie (article R.4127-14 du code de la santé publique) qui indique :
Les médecins ne doivent pas divulguer dans les milieux médicaux un procédé nouveau de diagnostic ou de traitement insuffisamment éprouvé sans accompagner leur communication des réserves qui s'imposent. Ils ne doivent pas faire une telle divulgation dans le public non médical.
B. Dautzenberg déclare ne pas disposer d’éléments suffisants pour donner un avis. C’est dans ce cas précis que le principe de précaution s’applique, quand la science est muette. Il est révélateur qu’il nomme “comédie” la prudence médicale. Avec ce terme, qui n’est pas un lapsus quand on suit ses propos, il insinue qu’il ne croit pas vraiment à ce qu’il dit. Assurément, ceci incline à penser qu’il vaut mieux vapoter que fumer.
Conclusion : le recours à la cigarette électronique ne doit pas être écarté
Notre Constitution prévoit une exonération du principe de précaution pour tout ce qui concerne le développement. Ainsi, le développement d’un nouveau dispositif médical pourra se faire sans que l'empêche ce principe [5] : il faut bien faire des tests et évaluer avant d'interdire. Il revient aux pourfendeurs masqués de la cigarette électronique de veiller à ne pas inverser les rôles : malgré les millions de vapoteurs actifs, il ne leur a pas encore été possible de démontrer que ce dispositif présente des risques en population générale. Pour les fumeuses invétérées, compte tenu du danger reconnu du tabagisme, l'usage de la cigarette électronique apparait comme une sage mesure de prévention.
En pratique, le recours à la cigarette électronique, efficace dans la réduction ou la cessation du tabagisme de fumeuses ayant échoué avec d'autres solutions, ne doit pas être écarté durant la grossesse et doit être préféré à la poursuite du tabagisme. Plutôt que cette “comédie”, il aurait été souhaitable qu’il soit dit qu’il revient à chacune de décider en connaissance de cause sur la base des informations disponibles.
Références
- Hondelatte Dimanche le 17.03.2013 : La cigarette electronique sans danger ? http://youtu.be/0YmhmABoq2s
- Hettema, Jennifer E.; Hendricks, Peter S. Motivational interviewing for smoking cessation: A meta-analytic review. Journal of Consulting and Clinical Psychology, Vol 78(6), Dec 2010, 868-884. doi: 10.1037/a0021498
- Coleman T, Cooper S, Thornton JG, Grainge MJ, Watts K, Britton J, Lewis S; Smoking, Nicotine, and Pregnancy (SNAP) Trial Team. A randomized trial of nicotine-replacement therapy patches in pregnancy ; N Engl J Med. 2012 Mar 1;366(9):808-18.
- Stop-tabac.ch et la cigarette électronique : un peu trop farci de parti-pris
- Propylène-glycol inhalé : pas d'effet toxique notable
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C'est la 1ère fois que je trouve autant d'informations sur le sujet. Difficile d'y voir clair d'habitude.
Rédigé par : cigarette électronique pas chere | 05/04/2013 à 14:51