Dr Luc Perino dénonçait le 28 mars dernier dans son blog Humeurs médicales [1] la soumission des patients au pouvoir biomédical leur ôtant libre arbitre et capacité d’insight. Ceci est notoire dans le traitement des dépendances où les facteurs sociaux et psychologiques sont prépondérants.
On ne peut de force faire arrêter de fumer un fumeur qui ne le voudrait pas et pourtant certains s’y emploient avec violence. "Quit or die" : pour certains tabacologues, un bon fumeur est un fumeur mort !
On ne saurait cependant combattre un désir avec une interdiction.
Voici - en remerciant Luc Perino de son autorisation - copie de cet article incitant à la réflexion :
Patients : disparition du libre arbitre et de l’insight
La formidable avancée des sciences biomédicales depuis un siècle a eu comme principal effet négatif le recul de l’expertise clinique au chevet du malade. Cet inconvénient peut être amoindri lorsque le médecin a conservé la capacité d’une analyse critique des résultats de la biotechnologie. Le patient peut également compenser cet effet délétère en ayant un libre arbitre et un « insight » de niveau suffisant. L’insight est la capacité à connaître intimement la nature d’une chose. Pour un patient, l’insight est donc la capacité à évaluer la nature intime et le niveau de gravité de son mal.
Les médecins ne souhaitent plus développer une analyse critique, car ils surévaluent la judiciarisation de la médecine, et pensent – très souvent à tort – que leurs juges éventuels se réfèreraient plus à la biotechnologie qu’à leur expertise clinique.
Du côté des patients, toute l’organisation du marché sanitaire contribue à faire disparaître leur libre arbitre et leur insight. Toute la communication médicale publique et privée consiste à alerter l’opinion sur des « maladies » dont les patients ne perçoivent pas les symptômes (hypertension, troubles métaboliques, cancers infracliniques, etc.)
Ces maladies sans symptômes sont souvent vécues avec plus d’angoisse, car les patients, n’ayant aucun repère évolutif personnel, perdent la propriété de leur propre pathologie et n’ont plus les moyens de développer leur libre arbitre et leur insight. Cette vacuité clinique entraîne une plus grande soumission au pouvoir biomédical et, en retour, une plus grande normativité du soin.
Le principe du paiement à l’acte est l’un des principaux facteurs aggravants de cette dérive. Il est encore difficile de dire combien et qui sont les gagnants et les perdants de cette spirale qui engloutit l’éthique, l’information et le soin individualisés.
Est-il possible de former de nouveaux cliniciens qui sauront, à la fois, offrir les progrès de la biomédecine à leur patients, et leur faire retrouver le libre arbitre et l’insight qu’ils ont perdus ? Les facultés devraient y penser, car de plus en plus de signaux nous avertissent qu’il n’est plus possible de laisser se creuser ainsi l’écart entre la vérité clinique et le pouvoir biomédical.
Référence
- Patients : disparition du libre arbitre et de l’insight, Luc Perino, Humeurs médicales, 28.03.2013
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