Voici la traduction de la position de l'American Cancer Society sur la cigarette électronique
le 3 mai 2013 Electronic Cigarettes – Boon, Bane, Blessing, or Boondoggle?
par Thomas J. Glynn, qui en est directeur de la prospective et directeur international de la prévention (les intertitres sont de nous).
Cette prise de position réfléchie sera utilement comparée à celle de la Ligue française contre le cancer publiée la veille La Ligue contre le cancer prend position contre l'usage de la cigarette électronique, que d’aucuns jugent minable et minée par le cancer des conflits d’intérêts.
Cigarettes électroniques : aubaine, fléau, bénédiction, ou cafouillage ?
La US Food and Drug Administration (FDA) a récemment annoncé qu'elle prendrait des mesures pour réglementer les cigarettes électroniques (e-cigarette) comme produits du tabac, en vertu de ses pouvoirs établis par la Loi de 2009 sur la lutte contre le tabagisme familial (Family Smoking Prevention and Tobacco Control Act).
Tout le monde parle ces appareils plutôt étranges qui sont devenus de plus en plus populaires ces dernières années. La cigarette électronique ressemble à une cigarette de tabac mais utilise une batterie et un atomiseur pour chauffer une solution qui, lorsqu'elle est inhalée, apporte de la nicotine vaporisée à l'utilisateur. Elle a été décrite comme une solution miracle aux effets dévastateurs du tabagisme aussi bien que comme un grave danger pour la santé publique.
Comme c'est le cas de nombreux produits hautement réputés ou honnis, sa vraie nature se situe probablement quelque part entre les deux. Examinons ce que beaucoup disent au sujet de ces dispositifs.
Cigarette électronique : une source de controverse
Ceux qui accordent leur faveur aux cigarettes électroniques listent leurs avantages suivants
- Leur capacité à fournir de la nicotine à l'utilisateur sans la plupart des 7000+ autres produits chimiques contenus dans la fumée d’une cigarette de tabac ;
- L’absence de fumée secondaire ;
- Leur similitude avec les cigarettes ordinaires en offrant les sensations tactiles et visuelles auxquelles de nombreux fumeurs de cigarettes sont devenus habitués voire psychologiquement dépendants ; et
- Leur potentiel pour aider les fumeurs qui souhaitent cesser de fumer.
Ceux qui sont préoccupés par la e-cigarette listent les manques de données scientifiques suivants
- Le manque de données scientifiques sur leur sécurité. Autrement dit, les utilisateurs d'e-cigarette ne peuvent pas être sûrs de ce qu'ils inhalent. Les cigarettes électroniques n'ont pas fait l'objet de tests indépendants approfondis et en raison de leur fabrication par de nombreuses entreprises il n'y a aucune assurance sur la qualité de leur processus de fabrication ;
- Le manque de données scientifiques sur leur efficacité dans la cessation du tabagisme ;
- Le manque de données scientifiques concernant leur capacité à fournir assez de nicotine pour soulager les symptômes du sevrage ;
- Le manque de données scientifiques sur les effets éventuels de la vapeur exhalée dans l'environnement par les vapoteurs ;
- Le manque de données scientifiques pour savoir si les vapoteurs qui auraient autrement cesser de fumer continuent à le faire en utilisant seulement les e-cigarettes quand ils sont dans des environnements non-fumeurs, et
- Le manque de données scientifiques concernant l’hypothèse que le vapotage puisse être une passerelle vers le tabagisme pour les jeunes.
Donc en considérant ces listes, il est facile de constater que les cigarettes électroniques sont une source de controverse.
Les partisans de la cigarette électronique mettent l'accent sur sa capacité à étendre le choix d’outils disponibles pour les fumeurs qui veulent arrêter de fumer ; leur similitude rassurante avec les cigarettes fumées ; la probabilité qu'elles sont beaucoup plus sures que les cigarettes de tabac et ainsi de suite. Ils demandent aux responsables de la santé publique et en particulier à la FDA de lever leurs objections aux cigarettes électroniques, de promouvoir leur utilisation, et, dans le cas de la FDA, de prendre des mesures pour faciliter leur diffusion sur le marché grand public.
Ceux qui incitent à plus de prudence dans la généralisation de leur utilisation soulignent cependant que nous n’en savons pas encore assez à leur sujet : leur sécurité en cas d’inhalation à long terme, leur efficacité comme aides à la cessation du tabagisme ; leur attrait pour les jeunes et ainsi de suite. Ils exhortent
- la population à rester prudente sur l'utilisation de la cigarette électronique,
- la FDA à soumettre les cigarettes électroniques au même programme d’évaluation rigoureux que les produits similaires subissent, et
- les fabricants d'e-cigarette à ouvrir leurs portes à des inspections indépendantes sur la sécurité et sur les tests d'efficacité.
Il faut un programme de recherche indépendant de grande envergure
La possibilité de réglementation par la FDA lui donnerait le pouvoir d'exiger des fabricants d'e-cigarette d’homologuer leurs produits auprès de la FDA, de préciser leurs ingrédients, d'établir (ou maintenir) de bonnes pratiques de fabrication, prendre en compte les ajouts de produits non testés ou impurs ainsi que les questions de publicité mensongère et limiter la promotion et la vente uniquement aux majeurs de 18 ans.
Bien que cette nouvelle réglementation puisse être une étape importante dans garantir la sécurité des e-cigarettes, ceci ne permettrait pas d’établir si elles sont efficaces pour aider les gens à cesser de fumer, si elles découragent certains fumeurs d'arrêter de fumer ni si les jeunes l’utilisent comme passerelle vers le tabagisme.
Les réponses à ces questions essentielles devront provenir d’un programme de recherche indépendant de grande envergure, comme l'a récemment suggéré et présenté un groupe de chercheurs internationaux perçus par certains comme sur les deux côtés de la question [1].
Pendant ce temps de recherche sur la e-cigarette et de préparation de la nouvelle réglementation par la FDA, ces produits resteront controversés – salués par beaucoup et considérés avec beaucoup de prudence par beaucoup d'autres. De nombreuses personnes vont l’utiliser et dire qu'elle peut aider les gens à cesser de fumer tandis que d'autres vont continuer à avertir des risques potentiels de leur utilisation.
Enquête, comportement réfléchi et explications sont attendus de ceux de chaque côté du débat
La seule solution pour combler ce fossé - et en fin de compte améliorer la santé publique - est, comme nous l'avons appris durant plus de deux siècles de progrès de la santé publique, de mettre la science au travail, d'obtenir des données indépendantes solides et ensuite prendre des décisions et recommandations fondées sur ces données. Procéder autrement, élaborer une politique de santé publique sur la base d’opinions et d’anecdotes ne sera pas au service de la population et sapera, à terme, les deux points de vue.
La cigarette électronique peut avoir le potentiel d'apporter une contribution importante à la santé publique en aidant certains fumeurs à arrêter. Il est peu probable, au moins à ce jour, qu’elle soit une « solution miracle », pas plus que ne l’ont été les autres aides à l’arrêt. Mais leur sécurité et leur efficacité, leur capacité à freiner certains fumeurs d'arrêter de fumer et peut-être encourager les jeunes à commencer à fumer exigent à la fois enquête, comportement réfléchi et explications par ceux de chaque côté de cette question.
Espérons que les processus de recherche et de réglementation iront de l'avant rapidement. Car si la cigarette électronique s'avérait dangereuse et inefficace, nous devrons chercher d'autres approches susceptibles de réduire l'effroyable prix à payer pour le tabagisme. Inversement, si elles se montrait à la fois sure et efficace, les fumeurs pourront l’ajouter à leur palette d’approches pour mettre fin à leur dépendance et prolonger leur vie.
Référence
- Etter, JF, Bullen, C, Flouris, AD, Laugesen, M, and Eissenberg, T ; Electronic Nicotine Delivery Systems: A Research Agenda, Tobacco Control Online First, March 17, 2011 ; doi 10/1136/tc.2010.042168.
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