Deux organisations, l’AIDUCE et le CACE, organisent à l'occasion de la journée mondiale de la cigarette électronique jeudi 19 septembre une conférence de presse à Paris. Le lieu choisi parait particulièrement original : l’île aux cygnes, une île artificielle sur la Seine à portée de fusil de la Maison de la Radio.
L’emblème de la liberté de vapoter
La pointe aval de cette digue est ornée par une statue de la Liberté, œuvre de Frédéric Auguste Bartholdi, offerte par la France aux États-Unis, Il s’agit de la version coulée en bronze d'un modèle en plâtre d'une hauteur de 11,50 mètres réalisé en 1885 pour concevoir la Statue de la Liberté de New York avec l’aide de Gustave Eiffel. L’installation de cette sculpture est contemporaine celle de la tour Eiffel, inaugurée en 1889 à l’occasion du centenaire de la Révolution française, que l’on voit en arrière plan sur la photo. Voici deux puissants symboles rassemblés pour l’occasion : la liberté et Paris, partant la France et les français.
Les torches de la Liberté
Il est vrai que la cigarette électronique est une véritable révolution. Elle se révèle le premier moyen pouvant faire reculer le tabagisme dans le monde et entre en concurrence avec
- les stratégies médicamenteuses dont l’inefficacité est maintenant de notoriété publique,
- évidemment avec les intérêts des vendeurs de tabac et enfin,
- les intérêts des collecteurs de taxes.
Big Tobacco, Big Pharma et Big Taxes déploient des trésors d’inventivité et de propagande pour limiter le développement des ventes, voire carrément interdire de fait ce produit.
Propagande : le mot est lâché. Il nous donne l’occasion de revenir sur une anecdote historique, remontant aux années 1920 aux États-Unis, comme le rappelle Normand Baillargeon dans sa préface à la traduction en français du livre Propaganda de Edward Bernays.
Eddy Bernays a été un des premiers à vendre des méthodes pour utiliser la psychologie du subconscient dans le but de manipuler l'opinion publique. À la demande de l'industrie cigarettière, qui cherchait à faire tomber le tabou de la consommation du tabac par les femmes, il a notamment organisé des défilés très médiatisés de jeunes et jolies « fumeuses » qui affirmaient leur indépendance et leur modernité par l'acte de fumer en public : « Les torches de la liberté ».
La ville de New York tient chaque année, à Pâques, une célèbre et très courue parade. Lors de celle de 1929, un groupe de suffragettes avaient caché des cigarettes sous leurs vêtements et, à un signal donné, elles les sortirent et les allumèrent devant des journalistes et des photographes qui avaient été prévenus que des jeunes femmes allaient faire un coup d'éclat. Dans les jours qui suivirent, l'événement était dans tous les journaux et sur toutes les lèvres. Les jeunes femmes expliquèrent que ce qu'elles allumaient ainsi, c'était des « flambeaux de la liberté » (torches of freedom). On devine sans mal qui avait donné le signal de cet allumage collectif de cigarettes et qui avait inventé ce slogan ; comme on devine aussi qu'il s'était agi à chaque fois de la même personne et que c'est encore elle qui avait alerté les médias.
Le symbolisme ainsi créé rendait hautement probable que toute personne adhérant à la cause des suffragettes serait également, dans la controverse qui ne manquerait pas de s'ensuivre sur la question du droit des femmes de fumer en public, du côté de ceux et de celles qui le défendaient – cette position étant justement celle que les cigarettiers souhaitaient voir se répandre. Fumer étant devenu socialement acceptable pour les femmes, les ventes de cigarettes à cette nouvelle clientèle allaient exploser.
Ainsi la statue de la Liberté éclairant le monde avec sa torche, érigée par Bartholdi en réaction à l’impérialisme du Second Empire français et en hommage aux révolutions américaines (1776) et françaises (1789), fait écho à cette manifestation d’indépendance des suffragettes américaines qui ont lancé la mode du tabagisme féminin. Sauf qu’aujourd’hui, il s’agit pour les fumeurs et les fumeuses de défendre leur droit à se libérer des chaines toxiques du tabagisme.
Si « pour Bernays, la masse est incapable de juger correctement des affaires publiques et que les individus qui la composent sont inaptes à exercer le rôle de citoyen en puissance qu'une démocratie exige de chacun d'eux : bref, que le public, au fond, constitue pour la gouvernance de la société un obstacle à contourner et une menace à écarter », la cigarette électronique est la fille de internet, du web 2.0, de la possibilité donnée à chacun de promouvoir ses aspirations et ses idées. La cigarette électronique, libératrice, est aussi démocratique. Le choix de ce lieu pour manifester la liberté de vapoter (ou encore 'vaper') à l’occasion du World Vaping Day 2013 est donc particulièrement heureux.
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