L’étude de Bullen & al. [1] visant à comparer l’effet de l’usage d’un palliatif de nicotine (timbre quotidien dosé à 21 mg) à des cigarettes électroniques avec et sans nicotine aura un impact durable sur l’avenir de ces derniers dispositifs.
Comme le présentent les auteurs dans leur introduction :
Dans cet essai, nous avons cherché à déterminer si les cigarettes électroniques avec des cartouches contenant de la nicotine étaient plus efficaces pour la cessation du tabagisme que les palliatifs transdermiques (patchs à la nicotine), en comparant aussi à l'aveugle avec des e-cigarettes ne contenant pas de nicotine (e-cigarette ‘placebo’).
Nous avons supposé que la cigarette électronique serait plus efficace que les timbres transdermiques et les e-cigarettes placebo pour
- la réduction du tabagisme,
- la sensation de dépendance,
- le soulagement des symptômes de manque,
et qu'elle n'aurait aucun risque accru d'effets indésirables comparée aux patchs de nicotine.
Nous allons vérifier ces différentes points en détail dans une série d'articles dont celui-ci est le premier.
La cigarette électronique est plus efficace que la nicotine transdermique
Avec ou sans nicotine, la cigarette électronique utilisée - un modèle de première génération - s’est avérée mieux protéger les fumeurs participants contre la récidive. Différentes façons de calculer les résultats sont présentées :
- en intention de traiter, en considérant que les participants abandonnant l’étude ou ne répondant pas aux demandes d’information lors des bilans ont échoué à cesser le tabagisme
- en excluant ces perdus de vue et abandons et/ou exclus en cours d’étude (‘Complete case analysis’).
Au terme de un mois à compter de la date d’arrêt du tabac du participant, 23,2 % des vapoteurs avec nicotine avaient cessé de fumer. Ils ne sont plus que 7,3 % au bilan à six mois.
Au terme de un mois à compter de la date d’arrêt du tabac du participant, 15,9 % des fumeurs avec patch avaient cessé de fumer. Ils ne sont plus que 5,8 % au bilan à six mois.
Ecig + N |
Patchs |
Diff |
RR |
Diff Risque |
|
Abstinence continue à |
|||||
un mois |
67 (23,2%) |
47 (15,9%) |
0,03 |
1·46 (1,04 à 2,04) |
7·25 (0,84 à 13,66) |
6 mois (résultat primaire) |
21 (7,3%) |
17 (5,8%) |
0,46 |
1·26 (0,68 à 2,34) |
1,51 (-2,49 |
Complete case analysis* |
|||||
Abstinence à 6 mois |
21/241 (8,7%) |
17/215 (7,9%) |
0,76 |
1·10 (0,60 à 2,03) |
0·80 |
* Complete case analysis comprend 456 participants, 241 e-cigarette avec nicotine et 215 avec patchs et exclut 128 participants manquants au bilan à 6 mois
L'écart en excluant les abandons et perdus de vue est similaire.
Note : l’échantillon de participants ne permet pas de conclure à une vérité statistiquement établie ('p value' trop élevé => le hasard peut donner des résultats identiques). C’est une grande faiblesse de cette étude, à cause d’une surestimation des probabilités d’arrêt du tabac lors de sa conception.
Ainsi, comme UnAirNeuf.org ne cesse de l’illustrer: “Les patchs ne gagnent pas le match” contre la dépendance. En supposant qu’ils aient été administrés comme demandé, ils ne gagnent pas le match contre l’arrêt franc (sans aide d’aucune sorte) : 5,8 % à six mois de la date d’arrêt, ceci ferait aux alentours de 4% à un an environ selon le protocole de cette étude (avec assistance téléphonique à la demande). C’est très médiocre pour un traitement réputé "de référence".
La cigarette électronique placebo protège aussi bien de la rechute que les palliatifs de nicotine
Le score de la cigarette électronique SANS nicotine (curieusement nommée ‘placebo’ dans le rapport) proposée en aveugle à un groupe de volontaires à fin de contrôle s’élève à 4,1 % d’arrêts à six mois (soit trois arrêts sur les 73 fumeurs du groupe). C’est sans signification statistique certes, du même ordre de grandeur cependant que le traitement nicotinique de substitution.
Le rapport présente un graphique montrant l’évolution des reprises du tabagisme dans le temps :
Les bénéficiaires de timbres transdermiques restent initialement un peu plus longtemps abstinents que ceux de cigarette électronique sans nicotine mais très vite les courbes deviennent quasiment superposables : la théorie de la dépendance à la nicotine, fondement des traitements dits de substitution, ne semble pas si solide que cela. À l’usage, un gadget à vapeur protège à peu près aussi bien – ou aussi mal de la rechute ! Placebo signifie en latin ‘Je plais’ : est-ce que ce serait imputable au fait que l’e-cigarette plait aux fumeurs en cours d’arrêt du tabac quand le patch ne plait pas ?
Référence
- Bullen & al. ; Electronic cigarettes for smoking cessation: a randomised controlled trial, thelancet.com Published online September 7, 2013 http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(13)61842-5 1
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