Suite à la publication du dossier de 60 Millions de consommateurs sur la cigarette électronique [1], le président de l’Association indépendante des utilisateurs de cigarette électronique AIDUCE a interpellé son rédacteur en chef via une lettre ouverte. Voici sa réponse (extrait) :
« Nous avons simplement fait notre travail.
« Le protocole était des plus rigoureux, en particulier dans l’étape délicate qui consiste à récupérer les composés présents dans la vapeur en vue de leur analyse. Le mois prochain, l’étude va d’ailleurs être présentée par nos experts lors d’une rencontre scientifique internationale. Nous verrons bien, à ce moment-là, ce qu’en diront les spécialistes.
« Leur avis comptera plus pour nous que celui des spécialistes autoproclamés de la Toile – par ailleurs bien souvent marchands de cigarettes électroniques – qui nous ont, ces derniers jours, donné de nombreuses leçons de chimie.
« À destination du grand public, nous allons aussi répondre dans les prochains jours sur les principales questions concernant la méthodologie de l’essai. »
La "rencontre scientifique internationale" devrait être le salon de la tabacologie de Clermont-Ferrand fin octobre, manifestation de promotion de toutes les firmes de gri-gris pharmaceutiques vendus en France : c’est dire si l’objectivité scientifique et l’esprit critique y règnent...
Sans à avoir à attendre d’éventuelles explications, Dr Konstantinos Farsalinos dénonce la supercherie scientifique : 60 Millions de consommateurs “study”: mistakes in methodology, major problems in presentation :
« Instead of uploading new articles every day without saying anything about the true results and their true implications, I would suggest them to do what every proper researcher would do: reveal the methodology in full detail (it cannot be a secret, such a study has been done before), answer to the real questions about their mistakes and omissions and explain why they falsely reported that the levels found were higher than tobacco. »
Les tabacocologues qui se cachent derrière cette patascience vont avoir du mal à s’en laver les mains.
L' "étude" de 60 Millions de consommateurs : des erreurs de méthodologie, des problèmes majeurs dans la présentation
Dr Farsalinos, ecigarette-research.com, 04.09.2013
Le feuilleton de 60 Millions de consommateurs présentant une "étude" chimique continue sa série, avec un déluge de commentaires critiquant l'article original et les tentatives du magazine de défendre les intentions de leurs propos. Je ne suis pas en mesure de critiquer ou de contester les motivations du magazine. Je suis cependant assez compétent pour discuter de la méthodologie et de ses conséquences potentielles sur les résultats expérimentaux. En outre, je suis capable de lire des études médicales et comprendre leurs données et leurs conclusions. Je n'ai besoin enfin que de quelques calculs élémentaires pour comparer leurs résultats avec ceux des cigarettes de tabac.
Le protocole de l'étude a été révélé ici. Ils ont utilisé des dispositifs de cigarette électronique (et quels produits !) pour produire des bouffées de trois secondes à trente secondes d'intervalle. Le débit d'aspiration est de 50 ml en trois secondes (1 000 ml/minute). Une telle procédure est correcte si le dispositif et l'atomiseur sont assez efficaces et ne reproduisent pas le phénomène de 'dry burn'. C'est un point crucial.
Dans notre étude, publiée dans le International Journal of Environmental Research and Public Health (voir le texte intégral en accès libre) , nous avons expliqué ce qui est le phénomène de 'dry burn' (chauffage à sec) ; nous l'avons d'ailleurs observé avec l'atomiseur utilisé initialement pour notre étude. Le phénomène de 'dry burn' est le résultat d'une surchauffe. On peut s'attendre à ce que la surchauffe conduise à la production de produits chimiques toxiques. Cependant, l'utilisateur la détecte instantanément et l'évite en espaçant les bouffées, en en réduisant la durée ou en remettant du liquide s'il a été entièrement vaporisé.
Est-ce que l'étude française a examiné si les conditions expérimentales pouvaient entraîner le phénomène de 'dry burn' ? A défaut, (ce qui est évidemment le cas), comment peuvent-ils soutenir que les niveaux de produits chimiques détectés sont effectivement ce qu'obtiendrait un vapoteur typique ? En d'autres termes, si les conditions d'essai ne sont pas représentatives alors les résultats ne sauraient être transposables en usage réel et n'ont qu'une valeur toute théorique.
Ce n'était pas la seule erreur. Un problème méthodologique majeur est qu'entre deux bouffées la pompe aspirante n’était pas désactivée mais continuait d'aspirer l'air ambiant. Pourquoi ont-ils procédé comme cela ? Probablement parce que c'était plus simple techniquement. Cependant le résultat de cette procédure est que le résultat final ne mesure pas la quantité de produits chimiques présente dans la vapeur de 15 bouffées : c'est la quantité présente dans la vapeur ainsi que dans une quantité énorme d'air ambiant. Recueillant une bouffée toutes les 30 secondes, pour 15 bouffées, sept minutes sont nécessaires. Le taux d'aspiration était de 1000 ml/mn et les bouffées duraient trois secondes. Ainsi chaque minute (passée la première), ils ont aspiré 100 ml de vapeur et 900 ml d'air. Les résultats sont ceux relatifs à la quantité de produits chimiques présents dans 750 ml de vapeur (50 ml /bouffée multiplié par 15 bouffées) plus 6 250 ml d'air du laboratoire. Attention : l'aspiration de l'air ambiant n'entraînait pas de dilution de la vapeur, parce que pendant l'expérience ils n'ont pas recueilli la totalité de l'air et mesuré la concentration de produits chimiques ensuite. Ils ont séparé les substances chimiques durant l'aspiration : ils ajoutaient donc les produits chimiques présents dans l'air ambiant. L'article doit mentionner expressément que leurs résultats représentent les quantités présentes dans 15 bouffées plus 6,25 litres d'air du laboratoire.
Cependant, la question la plus importante est la façon dont l' « étude » a été présentée. L'article initial a mentionné que, dans certains cas, des produits chimiques étaient présents à des niveaux plus élevés que dans le tabac. Mais ils n'ont pas révélé leurs chiffres. Dans un deuxième article, ils ont rapporté les niveaux les plus bas et les plus élevés. À l'aide de calculs simples et en les comparant avec les résultats de Goniewicz et ses collaborateurs, il est évident que - même faisant abstraction des erreurs méthodologiques - les niveaux sont considérablement plus faibles que ceux de la cigarette de tabac. Je dois le dire clairement : les niveaux communiqués sont de loin inférieurs à ceux des cigarettes de tabac.
Le magazine a publié le 3 septembre un nouvel article en réponse à la lettre de l'association AIDUCE des vapoteurs français. Dans cet article, ils refusent de reconnaître que rapporter un niveau de produits chimiques toxiques plus élevés dans la cigarette électronique que dans le tabac était mensonger. Ils ne parviennent (toujours) pas à fournir les détails de la méthodologie, se contentant d'affirmer qu'elle est excellente. Au lieu de cela, ils glosent sur l'étiquetage inexact de la concentration en nicotine, qui est en effet un problème mais non susceptible de causer des dommages aux utilisateurs et ne justifient aucunement la désinformation et l'intimidation massives de leur article original. Mais le plus inquiétant, c'est qu'ils font une déclaration alarmante et effroyable selon laquelle les cigarettes électroniques ne doivent pas être comparées au tabac parce qu'elles sont devenues un produit de consommation courante. C'est absolument scandaleux. Nous clâmons tous les jours que les cigarettes électroniques doivent être seulement destinées aux fumeurs et ne doivent pas être conseillées à des non-fumeurs pour suivre la mode.
Comment une association de consommateurs peut-elle suggérer avoir testé des e-cigarettes sans les comparer au tabac au prétexte que c'est un produit de consommation courante ? Suggèrent-ils que le public devrait le considérer un produit de consommation comme un autre et peut être utilisé par tout un chacun ? Il s'agit d'une déclaration très dangereuse. Nous avons le devoir de préciser que l'e-cigarette ne devrait pas servir autrement que comme alternative au tabagisme (en partie ou en totalité) ou éviter de replonger.
Une autre question concerne la déclaration que du chrome a été trouvé dans la vapeur de la e-cigarette. Comme je l'ai mentionné dans un commentaire passé, seul le chrome hexavalent est toxique. L'article ne précise pas si le chrome trouvé était hexavalent ou non. Non seulement les autres formes du chrome sont non toxiques, mais en fait il s'agit d'un métal essentiel pour l'organisme humain. Il est présent dans des suppléments alimentaires largement utilisés et approuvés et peut avoir des effets bénéfiques sur plusieurs fonctions du corps humain. Bien sûr, les gens sont terrorisés quand ils entendent parler de chrome, mais la vérité est que seulement le chrome hexavalent est toxique, et cela doit être précisé.
En conclusion, au lieu de publier chaque jour de nouveaux articles sans rien révéler sur les résultats réels et leurs incidences établies, je suggère à 60 Million de consommateurs de faire ce que ferait tout bon chercheur :
- révéler la méthodologie en détail (qui ne peut pas être confidentielle, une telle étude a déjà été faite),
- répondre aux interrogations sur ses erreurs et omissions et,
- expliquer pourquoi avoir faussement déclaré que les concentrations observées étaient plus élevées que dans la fumée de tabac.
Dr Farsalinos est chercheur au centre de chirurgie cardiaque Onassis à Athènes et au Medical Imaging Research Center, University Hospital Gathuisberg de Louvain-Belgique. Il est activement impliqué dans la recherche sur la sécurité et le profil de risque des e-cigarettes. Lire par ex. son interview dans Paris Match (03.09.2013) : Vapoter n'est pas nocif pour le cœur
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