Le bilan annuel du tableau de bord Tabac pour l’année 2013 devrait être publié en février prochain. En regrettant que l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) n’ait pas encore perçu l’apparition de la comète Cigarette Électronique, nous sommes curieux de connaître l‘analyse qu’il en proposera… Qu’il nous soit permis ici de proposer à nouveau nos services pour orienter ses écrans de surveillance, il court le risque d'être en retard d'une guerre.
Nous prévoyons un concert d’auto-satisfaction, la “rafale” des augmentations de prix des cigarettes et du tabac ces 15 derniers mois étant jugée avoir contribué à la réduction d’environ 9 % des ventes en volume en France en 2013 (du moins dans les circuits collectant les taxes).
Il sera intéressant de relever les explications sur la baisse concomitante de ventes de palliatifs de nicotine - elle est parallèle - ainsi que sur la quasi disparition des écrans radars du signal des autres solutions pharmaceutiques réputées efficaces et donc hautement recommandables par les professionnels de santé pour aider médicalement à l’arrêt (varénicline et bupropion).
Cause et/ou effet ? La cigarette électronique facteur confondant ?
Une première analyse permet en effet de supposer que si la consommation baisse, il est normal que les aides à la cessation du tabagisme baissent aussi. Cela serait plausible si le nombre de fumeurs baissait, ce que ni les chiffres de l’OFDT ni d’autres enquêtes permettent de supposer.
Inversement, on pourrait penser que la baisse des ventes d’aides pharmaceutiques a causé la baisse des achats de cigarettes. Cela serait un indice qu’elles répondent à l’attente des fumeurs. Nous ne décelons cependant aucune raison permettant de faire cette hypothèse : les produits achetés en 2013 (patchs et gommes) sont pour l’essentiel les mêmes que ceux en 2011 ou 2012, où les ventes de tabac étaient restées stables.
Plus généralement nous touchons du doigt une question lancinante : s’il y a corrélation entre ces deux phénomènes (une baisse des ventes de l’ordre de 10 % en une l’année), y a t-il un lien de causalité entre eux ?
Une corrélation ne prouve rien. Il faut mener un analyse des éventuels “facteurs confondants” comme l’on dit, une cause commune aux deux observations. Un facteur confondant explique que les possesseurs de magnétoscopes ont été un temps identifiés comme plus susceptibles d’être infectés par le sida. Le facteur confondant était alors le mode de vie des gays. Cet examen critique des liens de causalité éventuels est étrangère à bon nombre de journalistes rapportant sur les sujets du tabac ou de la nicotine sur la foi de communications promotionnelles.
Dans quelle mesure raz de marée de la cigarette électronique pourrait-il constituer une cause commune aux deux baisses simultanées ? L'omission de sa prise en compte par l’OFDT serait fâcheuse. Espérons que ces craintes s’avèrent injustifiées et que nos décideurs politiques et sanitaires seront correctement informés par l’Observatoire. Nous jugerons sur pièces…
Le flop de Nicorettespray
Depuis cette année, l’OFDT indique mensuellement (en petits caractères) les ventes d’inhalateurs et de sprays de nicotine, jusqu’à présent ignorées car marginales. Ces produits sont les dernières innovations de l’industrie pharmaceutiques pour permettre aux fumeurs de consommer de la nicotine en soulageant efficacement leur portefeuille. Nicorettespray a été lancé commercialement en France en mai 2013 par la division Soins-Santé grand public de Johnson & Johnson, propriétaire ici de la marque Nicorette. Comme la cigarette électronique [1, 2] :
- Nicorettespray contient du propylène glycol,
- Nicorettespray contient de la nicotine nébulisée...
- qui est absorbée par la bouche comme dans le cas de la vapeur d’ecig.
Cette innovation, réputée aider à l’arrêt du tabagisme, a malheureusement a fait un flop commercial : les fumeurs qui l’ont essayé n’ont pas été satisfaits, comme avec les inhalateurs dont la vente est restée confidentielle. En témoigne le graphique des ventes combinées mensuelles des inhalateurs et sprays de nicotine en France sur les onze premiers mois de l’année :
Ventes des inhalateurs et sprays de nicotine en France sur les onze premiers mois de 2013
Le pic du mois de juin reflète l'introduction de Nicorettespray dans les officines pharmaceutiques, rapidement passée aux oubliettes.
D’autres signes de déclin de la tabacologie conventionnelle
Trois autres indices permettent de supposer un déclin significatif des services spécialisés de tabacologie :
1 - Les centres anti-tabac ne sont plus suivis dans la dernière livraison du tableau de bord Tabac. L’activité, à savoir le nombre moyen de nouveaux patients dans les consultations de tabacologie dans environ 125 centres répondants, essentiellement en milieu hospitalier, n’est plus déclarée. C'est un mauvais présage.
2 - De façon similaire, le nombre de forfaits de subvention des palliatifs pharmaceutiques de nicotine par l'Assurance Maladie (50 ou 150 € par an) est à la baisse. De 90 582 au premier trimestre 2012, ce nombre baisse à 55 018 durant la même période de 2013 (- 39 %), malgré une extension de sa promotion (aux femmes enceintes). Au troisième trimestre 2013, il réduit encore à 45 168.
3 - Les ventes en novembre 2013 de traitements sur ordonnance sont en baisse de 54,8% par rapport à novembre 2012: 541 boites de Zyban et 3598 de Champix°.
[Mise à jour 13.02.2014]
Le nombre de forfaits de subvention des palliatifs pharmaceutiques de nicotine par l'Assurance Maladie (50 ou 150 € par an) s'est élevé à 42 864 au quatrième trimestre et à un total de 212 491 forfaits sur l'ensemble de l'année 2013. Ceci correspond à une subvention à l'économie pharmaceutique par la collectivité à hauteur de 12 millions d'euros.
Ce nombre de forfaits est en baisse de 7,2 % par rapport à 2012 (228 900 forfaits) et en baisse de 43 % par rapport à 2011 (372 404). Parions que son extension aux jeunes adultes (150 € pour les moins de 25 ans, et bientôt 30 ans) ne compensera un déclin sanctionnant la gabegie de la Sécu. Ce n'est pas en subventionnant des aides inefficaces qu'on les rend plus efficaces...
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