Traduction d'un article original de Clive Bates Spreading fear and confusion with misleading formaldehyde studies par Yannick (http://vapestudies.yannic.be/?p=256) et édité par nos soins.
21 Janvier 2014
Chers Dr Peyton et Dr Pankow,
Je vous écris à propos de votre communication publiée dans le New England Journal of Medicine le 21 Janvier 2015.
Etant donnée l’importance du risque de confusion et de peurs que vos conclusions et vos estimations de risque de cancer pourraient produire chez les fumeurs et les vapoteurs, je vous serais reconnaissant de bien vouloir clarifier les points suivants :
1. Quelles mesures ont été prises afin de s’assurer que la machine à aspirer a été paramétrée pour simuler une utilisation et une exposition aux produits chez l'homme ?
Votre lettre ne donne aucune indication sur le paramétrage des bouffées utilisées permettant de penser que les expériences sont réalistes et reflètent une utilisation normale du vaporisateur personnel. Les niveaux de formaldéhyde détectés suggèrent une utilisation loin de ces conditions.
2. Quelles précautions ont été prises le cas échéant pour éviter de mesurer et d’inclure les tirages à sec ("dry puff") dans les résultats de l’étude ?
C'est la cas des bouffées réalisées par un voltage et une intensité tels que la température de la résistance devient extrêmement élevée, produisant une vapeur d’un goût tellement âcre et désagréable qu’aucun utilisateur humain ne continuerait à utiliser le dispositif de cette façon. Il est normal alors à trouver de hauts niveaux de formaldéhyde dans ces conditions spécifiques, mais aucun vapoteur ne pourrait y être exposé. Les êtres humains disposent de sens que les machines automatiques n’ont pas.
3. Lorsque vous annoncez vos risques de cancers, quelles certitudes avez-vous que le réglage de l’intensité des bouffées utilisé lors de vos expériences simule correctement le comportement d’un vapoteur et donc vous autorise à déduire un risque de cancer chez l’homme ?
Une publication telle quelle la votre prétend démontrer un risque lié au vapotage alors qu'il proviendrait plutôt de votre utilisation (qui semble extrême) du matériel. Vos conclusions ne permettent de communiquer sur un risque de cancer que dans le cas où l’utilisation est réaliste. Cependant, vous ne clarifiez nulle part la façon dont vous vous êtes assurés que ce serait le cas ; et il n’y a pas de réserve relative à cette omission sérieuse et probablement funeste.
4. Dans le calcul des risques de cancer, vous présumez que « inhaler des agents qui libèrent du formaldéhyde produit le même risque que d’inhaler la même quantité de formaldéhyde sous forme gazeuse ».
Pouvez-vous fournir une référence soutenant cette affirmation, étant donné que les affirmations qui feront les gros titres de la presse la reprendront ? Comme vous le savez certainement, des conservateurs libérant du formaldéhyde sont utilisés dans de nombreuses préparations comme alternative au formaldéhyde, pour des raisons de sécurité.
5. Votre communication prétend que les risques cumulés de cancers liés au vapotage à long terme « sont cinq à…15 fois plus élevés que les risques cumulés liés au tabagisme de longue durée ».
Pouvez-vous clarifier que cette comparaison ne vaut que pour les risques liés, dans le tabagisme, au formaldéhyde ? Afin d’éviter que les lecteurs n’aient l’impression fausse que le vapotage durable puisse être de 5 à 15 fois plus dangereuse que fumer à long terme du tabac, pourriez-vous contextualiser votre conclusion ? Par exemple, en indiquant quel pourcentage du risque de cancer chez le fumeur est produit par le formaldéhyde ? Je pense qu’il s’agit d’une proportion minime du nombre total de cancers dus au tabac, et il aurait été prudent d’en informer les lecteurs. Le formaldéhyde n’est en aucun cas la substance la plus cancérigène dans la fumée de tabac et n’est qu’une substance parmi beaucoup d’autres. Le chapitre 5 du rapport du Surgeon General de 2010 fournit des informations utiles, mais ne va pas aussi loin que vous, lorsque vous attribuez à un élément isolé un risque de cancer. Ce rapport précise aussi que « les aldéhydes comme le formaldéhyde et l’acetaldéhyde sont largement présents dans l’environnement naturel et sont des métabolites présentes dans le sang humain ». Il est donc possible que le calcul des risques de cancers liés au formaldéhyde soient plus complexes que ce que votre modèle simpliste propose.
Pour être plus clair, je crains que :
-
Cette étude utilise un réglage d’intensité des bouffées irréaliste de façon à créer les conditions des formation du formaldéhyde, conditions qu’une utilisation normale par un humain n’atteindrait jamais ;
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Cette étude utilise les résultats obtenus par une utilisation irréaliste des vaporisateurs personnels pour démontrer, au moyen d’un calcul simpliste, un risque de cancer ;
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Ce risque artificiel et contrefait de cancer ne soit comparé à tort avec les vrais risques liés au tabagisme ;
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La conclusion que la cigarette électronique présente un risque incrémental de 5 à 15 fois plus élevé que le tabagisme soit représenté hors contexte, prêtant à croire que la vape est plus dangereuse que le tabac. Ce ne serait pas la première fois que des rapports inexacts ou trompeurs représenteraient la présence de formaldéhyde dans la vapeur de cigarette électronique de cette façon ;
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Cette étude pourrait reproduire les résultats trompeurs sur les cigarettes « légères » en utilisant des réglages expérimentaus ne correspondant pas à la réalité. La différence étant qu’au lieu de minimiser la dangerosité d’un produit, elle minimiserait l’innocuité d’un produit, mais avec toujours autant d’effets dommageables sur la santé publique.
De nombreux fumeurs ont l’occasion de passer du tabac à la cigarette électronique, et de diminuer le risque incrémental de maladies de 95 à 99 %. Cependant, des études comme celles-ci, et les articles qui ne manqueront pas d’en faire part, persuadent graduellement les fumeurs que la vape est beaucoup plus dangereuse qu’elle ne l’est en réalité, et qu’il peuvent tout autant continuer à fumer. Une étude, publiée en 2014, a conclu :
"En 2010, 84,7 % des fumeurs étudiés considéraient la cigarette électronique comme moins dangereuse que le tabac, mais en 2013, ce nombre est descendu à 65 %. C’est une tendance qui devrait couvrir de honte les acteurs de la santé publique et les chercheurs qui, au moyen d'études biaisées qui déforment les risques, renforcent les malentendus dont sont victimes les consommateurs."
J’espère que vous prendrez grand soin de vous assurer que vos résultats sont présentés dans leur contexte et avec les réserves nécessaires afin qu'ils reflètent la réalité du vapotage et que vos calculs de risques de cancer soient fondés.
Bien à vous
Clive Bates
Counterfactual
London / Harare
www.clivebates.com
[Pas de lien d'intérêt à déclarer]
Notes
- Lettre au NEJM : Jensen RP, Luo W, Pankow JF, Strongin RM, Peyton DH. Hidden formaldehyde in e-cigarette aerosols. New England Journal of Medicine 372;4, January 22, 2015
- Lire la critique (sévère) que fait le Dr Farsalinos sur cette comunication (qui n'est d'ailleurs pas une étude publiée au sens habituel de la pratique éditoriale du NEJM) : The deception of measuring formaldehyde in e-cigarette aerosol: the difference between laboratory measurements and true exposure
Le phénomène de "tirage à sec" (dry puff) a été présenté dans une publication remontant au 18 juin 2013. Il est regrettable que les auteurs n'en aient pas eu connaissance ou n'aient pas voulu le prendre en compte : Evaluation of Electronic Cigarette Use (Vaping) Topography and Estimation of Liquid Consumption: Implications for Research Protocol Standards Definition and for Public Health Authorities’ Regulation ; Int. J. Environ. Res. Public Health 2013, 10(6), 2500-2514; doi:10.3390/ijerph10062500
"Vaping topography may have significant implications in production and delivery of potentially harmful substances. The electronic cigarette evaporation rate and thermal load are directly dependent on the puff duration and interpuff interval. If the device is activated before the temperature is significantly decreased and/or before the wick is sufficiently supplied with liquid, the device will get overheated. This causes a phenomenon called “dry puff”. It is an unpleasant, burning taste that forces the user to lower puff duration and increase interpuff interval. It is also reproduced when the atomizer has very low amounts of liquid, signalling that it should be refilled. This phenomenon occurred in some experienced users when they were asked to use the “eGo-C” atomizer in this study. They had to lower puff duration and interpuff interval in order to avoid “dry puff”, while no such problems occurred with the “Epsilon” atomizer. Although not tested yet, there is a theoretical concern that overheating the EC may lead to production of significant amounts of toxic substances like acrolein or formaldehyde, which can be formed from thermal degradation of glycerol in a closed chamber. The “dry-puff” phenomenon, although easily detected and avoided by the user, cannot be detected in the laboratory setting."
[Mise à jour 22.01.2015 15:00]
K. Farsalinos publie un complément à sa critique citée ci-avant montrant qu'à la puissance utilisée sur le matériel utilisé, le e-liquide était forcément carbonisé : Verified: formaldehyde levels found in the NEJM study were associated with dry puff conditions. An update
Par conséquent, dans l'équipe de recherche personne :
- ne vapote, car personne ne peut inhaler une vapeur carbonisée ;
- ne sait faire une recherche bibliographique sur un sujet d'étude...
Petite démonstration que l'expérience est bidon : à 2,1 Ohm et 15 Watts, vapoter n'est pas possible avec les dispositifs utilisés :
Voici un tableau utilisé par les vapoteurs montrant les plages d'utilisation recommandées :
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