La France bonnet d'âne de la prévention du tabagisme
Les premières analyses des données du Baromètre cancer 2015 [1] révèlent en France une prévalence du tabagisme de 34,6 % parmi les 15-75 ans, celle du tabagisme quotidien étant de 28,8 %. Ces proportions ne sont pas statistiquement différentes de celles recueillies en 2014 via le Baromètre Santé ; elles confirment la stabilité déjà constatée entre 2010 et 2014, après la hausse enregistrée entre 2005 et 2010.
La France est un des pays d’Europe occidentale où le tabagisme bat des records : parmi les personnes de plus de 15 ans, plus du tiers fument en France contre
- environ un quart en Allemagne, en Espagne, en Belgique et aux Pays-Bas,
- environ un cinquième en Italie et en Grande-Bretagne (parmi les adultes).
L’écart est encore plus marqué avec les États-Unis et avec l’Australie, où les proportions de fumeurs parmi les adultes étaient de 17 % en 2014, en baisse à 15 % en 2015.
Du côté des autorités et des zélotes anti-fumeurs, ce drame de l'incurie se masque par des initiatives médiatiques : il faut bien faire quelque-chose. Un activisme de facade conduit à considérer que toute action, par le seul fait d’être annoncée, soit dispensée de la preuve de son efficacité. Parions ainsi que le succès de l'opération Moi(s) sans tabac ne se mesurera pas en réduction du nombre de fumeurs, mais en nombre de personnes se prêtant à la manoeuvre.
Initiative Moi(s) sans tabac : un succès annoncé
Le Moi(s) sans tabac sera claironné comme un succès comme l'ont été par le passé les initiatives pensées en haut lieu, tellement haut que l'on ne voit plus le terrain et que l'on en méprise ses acteurs. Nous avons hâte de jeter un oeil sur les chiffres des ventes de tabac : si l'opération avait quelque succès, nous devrions pouvoir constater une baisse par rapport à novembre 2015. Nous pourrons le vérifier fin février a priori...
On se vantera que les ventes de patchs et autres gri-gris pharmaceutiques ont connu un boom en novembre ; certes. Il n'en reste pas moins que ce qui comptera à la fin, c'est la proportion de fumeurs. Celle-ci n'a pas baissé depuis dix ans, malgré sonneries et trompettes, promotion de patchs, Champix et tutti quanti [2]. Le dernier Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (BEH) précise même que la prévalence du tabagisme quotidien a augmenté, passant de 36,3% à 41,7% dans la tranche 25-34 ans de 2014 à 2015. Quel succès que voilà ! Heureusement que le mensonge et l'hypocrisie ne tuent pas nos ministres en charge de la Santé... L'important c'est de faire croire au bon peuple que l'on prend soin de lui en évitant d'occire la poule aux oeufs d'or des taxes sur la tabac.
Donc, nous aurons droit encore aux sonneries de trompettes et de tromperies en ce Mois sans tabac. Vous voulez des indices ? Voyez ce qui est fait concernant la cigarette électronique et la réaction des centaines de milliers de vapoteurs qui ont cessé de fumer grâce au dispositif de leur choix (et qui ne coûte rien à la collectivité soit dit en passant), dont l'expérience est traitée avec mépris.
Moi sans vape
"Moi sans vape" pourrait être le prochain mantra des ex-fumeurs que la réglementation au 1er janvier 2017 privera de leur béquille salvatrice et même de la possibilité d'en parler publiquement. Déjà le BEH se félicite entre les lignes que le développement du vapotage en France ait été neutralisé :
Il est surprenant d’observer que la prévalence d’expérimentation de l’e-cigarette a diminué entre 2014 et 2015. L’expérimentation et l’usage actuel de l’e-cigarette étaient en baisse entre 2014 et 2015, tandis que le vapotage quotidien est resté stable à 3,0 %. Ces résultats semblent ainsi montrer que la diffusion de l’e-cigarette s’est nettement ralentie.
L’usage actuel concerne 4,0 % des Français (hommes : 5,2 %, femmes : 2,9 %,) et la prévalence du vapotage quotidien était de 3,0 %.
En retenant le chiffre de 66,6 millions de français [3] dont 75 % entre 15 et 75 ans, le nombre de vapoteurs en France s'élève à deux millions : ceci n'est pas une paille ! La vape ne fait pourtant pas partie des modes recommandés pour s'abstenir de fumer en novembre 2016, bien que le BEH considère que ce serait un moyen efficace.
Au sein des vapoteurs, la part d’ex-fumeurs a nettement augmenté, ce qui laisse supposer une efficacité potentielle de l’e-cigarette dans l’arrêt, au moins momentané, du tabac. Certaines études récentes ont d’ailleurs estimé que le vapotage est un moyen efficace de réduire la prévalence tabagique dans les pays où cette prévalence est élevée.
Switch to ze paille !
Voila ce que disent à Marisol Touraine - vent debout contre le vapotage - les deux millions de français qui ont eu l'outrecuidance de ne pas obéir à ses injonctions.
Il y a de quoi se moquer en effet. Le kit infantilisant remis aux candidats au Moi(s) sans tabac préconise de souffler dans une paille :
Pensez-vous sincèrement que l'on aide les fumeurs en leur conseillant de souffler dans une paille plutôt que de vapoter ?
Crédits pour les illustrations : Radagast Vapoto et Vap'you
Une honteuse récupération
Et l'outrage aux vapoteurs ne s'arrête pas là : un symbole des vapoteurs est réutilisé sans vergogne. Ce symbole créatif en forme de V de la Victoire a été inventé en septembre 2013 par des associations de vapoteurs (AIDUCE et FIVAPE) à l'occasion de la première manifestation en France pour défendre la liberté de vapoter. Nous en étions bien sûr [4].
Des leurres de pacotille inefficaces sont mises en avant et des solutions efficaces et appréciées des fumeurs sont mises sous l'étouffoir. Honte à cette clique sanitaire méprisante et sans scrupule.
Références
- Consommation de tabac et utilisation d’e-cigarette en France en 2015 : premiers résultats du Baromètre cancer 2015
Bull Epidémiol Hebd. 2016;(30-31):502-7 ; le Baromètre cancer 2015 a été financé par l’Institut national du cancer (INCa). Le Département Recherche en sciences humaines et sociales, santé publique et épidémiologie de l’INCa a assuré la coordination de la collecte des données. - La prévalence du tabagisme a augmenté entre 2005 et 2010 puis s’est stabilisée en 2014 cf.
Le tabagisme en France. Analyse de l’enquête Baromètre santé 2010. Saint-Denis: Inpes; 2013, http://inpes.santepubliquefrance.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1513.pdf et La consommation de tabac en France et son évolution : résultats du Baromètre santé 2014. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(17-18):281-8. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=12567 - INSEE, Bilan démographique 2015
- World Vaping Day (Paris), jeudi 19 septembre 2013 sous le symbole de la liberté
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- Pendant le "Moi(s) sans tabac", la lutte pour sauver la vape continue
Paris Match, 11/10/2016
Mise à jour 13/10/2016
« La position du ministère n’a pas changé, avait tenu à préciser Marisol Touraine lors de sa conférence de presse le 6 octobre dernier. Mieux vaut ne rien fumer que vapoter ; mieux vaut vapoter que fumer. Mais nous ne ferons pas de promotion de la e-cigarette ».
Langue de bois ou éclaircie politique ? Lors d'une réunion à la Direction Générale de la Santé mercredi 12 octobre, les représentants des autorités de santé auraient confirmé aux associations défendant le vapotage que “la vape est l’une des composantes du mois sans tabac”. Source fr.vapingpost.com : La cigarette électronique invitée dans la campagne Moi(s) sans tabac ?
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