Le Comité National Contre le Tabagisme lance un pétard mouillé
Copiant son homologue hollandais, le Comité National Contre le Tabagisme (CNCT) vient de déposer plainte en France pour tromperie sur leurs produits contre quatre multinationales du tabac, au motif de patascience sur les tests relatifs aux goudrons, monoxyde de carbone et nicotine issus de la fumée de cigarettes. La communication qui en est faite dénonce ce qui est qualifié de scandale du « filtergate » [1].
« Le filtergate constitue assurément un nouveau scandale aux conséquences sanitaires majeures qui légitime que l’on encadre et surveille bien davantage les pratiques des fabricants de tabac » commente le Pr Yves Martinet, Président du Comité National Contre le Tabagisme en France.
Ainsi cette ligue anti-fumeurs entend surfer sur les tromperies dans le secteur automobile, dont les suites judiciaires vont se compter en milliards d'amendes. Avec peut-être le secret espoir de remplir à leur tour son bas de laine. En effet, avec les subventions d'argent public, les indemnités obtenues au Tribunal - en invoquant par exemple une « mise en danger délibérée de la personne d’autrui » - constituent la principale ressource de trésorerie de cette association d'activistes. Voyons cela plus en détail.
Un article en Une du journal Le Monde, par Stéphane Foucart
Le journal Le Monde, sous la plume de Stéphane Foucart, colporte l'information en première page avec ce titre vengeur Tabac : les cigarettiers accusés de tricher sur la teneur en goudron et nicotine [2].
Faudra-t-il parler de « tobaccogate », comme il y eut un « dieselgate » ? La plainte pénale déposée début février devant le procureur de la République par le Comité national contre le tabagisme (CNCT), accusant les filiales françaises de quatre cigarettiers (British American Tobacco, Philip Morris, Japan Tobacco et Imperial Brand) de « mise en danger délibérée de la personne d’autrui », ne peut en tout cas qu’évoquer le scandale récent des moteurs diesel truqués – pourvus de logiciels abaissant artificiellement les émissions polluantes pendant les tests réglementaires.
S’agissant du tabac, il ne s’agit pas de logiciels truqueurs et d’oxydes d’azote, mais de micro-perforations des filtres, de goudron et de nicotine. Le résultat est le même : les taux officiels de ces substances, affichés ou mesurés par le régulateur, sont largement inférieurs à la réalité. Selon la plainte du CNCT, que Le Monde a pu consulter, « la teneur réelle en goudron et nicotine serait, selon les sources, entre deux et dix fois supérieure [à celle indiquée] pour le goudron et cinq fois supérieure pour la nicotine » — des chiffres qui proviennent de la littérature scientifique ou des fabricants de cigarette eux-mêmes.
La réaction du Pr Molimard : une révélation... connue en France depuis trente cinq ans
L'affaire devient intéressante à la lecture du commentaire du Pr Molimard au Courrier des lecteurs le 11 février 2018, qu'il nous a autorisé à rapporter ci-après. Dès 2010, Pr Molimard dénonçait le double jeu des anti-tabac et leur manque de rigueur scientifique [4]. Pour le faire bref, le CNCT ne serait-il pas complice de la duperie des industriels du tabac ? Cette offensive est-elle un rideau de fumée pour faire passer la hausse conséquente des prix ? Ou encore une tentative de blanchir les autorités de contrôle, totalement et durablement incapables de faire baisser la prévalence du tabagisme en France tout en faisant croire qu'on s'y attelle ?
Messieurs,
Je suis indigné par la place que vous donnez le 10 février, dès la première page, à la plainte du Comité National Contre le Tabagisme contre les tabagiers. Le CNCT découvre l’Amérique ! Toute l’affaire repose uniquement sur les travaux d’un des rares chercheurs scientifiques sur le tabac, Lynn Kozlowski. Voici déjà près de 50 ans que ses recherches ont attiré l’attention sur la duperie commerciale que constituent les « cigarettes légères ».
J’avais fondé la Société d’Etude de la Dépendance tabagique en 1983. Le 8 juin 1985, nous avions invité Kozlowski à parler de ses travaux lors de la 3e Journée de la Dépendance Tabagique, à l’UER Biomédicale des Saints-Pères à Paris. Ci-joint la traduction de sa communication, où l’on trouvera toute la biographie scientifique [3].
En 1986, je fonde à Paris le Diplôme Universitaire d’Etudes de la Dépendance Tabagique, devenu DIU de Tabacologie, un néologisme que j’ai introduit, adopté aussi par la Société. Jusqu’en 2010, ce diplôme a formé sous ma responsabilité plus de 1000 étudiants tabacologues, auxquels je n’ai cessé d’inculquer les travaux de Kozlowski. Dans son numéro 358 de février 2002, 60 millions de consommateurs publiait même le nuancier de Kozlowski, qui permettait d’évaluer ce qu’un fumeur avait réellement reçu d’après la couleur de ses mégots. On ne peut donc pas dire que l’univers de ceux qui s’intéressent au tabac était ignorant de votre « révélation ».
Bien que depuis septembre 2003, les mentions « mild, légères, etc… » aient été interdites, l’Union Européenne exigeait encore jusqu’en mai 2016 que les paquets de cigarettes portent leur caractéristiques en nicotine et en goudrons. Ainsi, elle donnait une caution officielle aux mesures trompeuses en machine à fumer ! Cette obligation n’a disparu en France qu’en janvier 2017 avec les « paquets neutres ».
Pourquoi le CNCT, tout comme les conseillers qui guident la politique anti-tabac, en France, à l’UE et à l’OMS, ne sont-ils pas partis en guerre contre cette complicité évidente avec les tabagiers ? Pourquoi cette offensive, juste au moment de cette disparition, quand ils ont perdu la bataille ?
Lorsque la Société de Tabacologie s’est transformée en Société Française (maintenant Francophone) de Tabacologie (SFT), j’ai refusé d’en devenir Président d’Honneur et n’ai plus adhéré, parce qu’elle a cessé d’être une société destinée à promouvoir la recherche sur la dépendance au tabac, pour devenir dépendante des lobbies pharmaceutiques. Les congrès ne se tiennent plus dans une salle des Saints-Pères ou un amphi de la Faculté de Bicêtre, mais au palais du CNIT ou autres lieux de prestige que ne peuvent offrir les cotisations des seuls adhérents à la SFT. Pourquoi n’en serait-il pas de même de toutes les organisations qui guident la politique gouvernementale ?
Car cette politique n’est pas une politique anti-tabac. C’est une politique anti-fumeurs. Ceux-ci sont pourtant en détresse. Ils auraient besoin d’être aidés à sortir de leur dépendance. La politique « anti-tabac » les y enfonce, au point que les plus grands fumeurs sont les plus précaires, et que devenir chômeur est une raison de passer à la cigarette. Ils ont la quadruple peine.
- Ils sont victimes d’une dépendance qui leur coûte une fortune.
- C’est eux qui souffrent de cancer, d’infarctus, de bronchite chronique, et en meurent tôt, laissant les non-fumeurs bénéficier de leurs cotisations de retraite.
- Ils sont traqués, chassés des lieux publics, matraqués par les hausses de prix qui poussent les précaires à la rue, ou à fumer des cigarettes de contrebande et/ou des mégots.
- Le seul moyen un peu efficace pour les aider à se libérer du tabac est la cigarette électronique. Elle aussi est de plus en plus pourchassée.
Cette offensive anti-cigarettiers est-elle un rideau de fumée pour mieux justifier la hausse des prix, dont on espère qu’elle poussera les fumeurs en mal d’arrêt à se tourner vers les patches, gommes à la nicotine et autres drogues de synthèse, dont la maigre et contestable efficacité garantit que le marché ne s’effondrera pas ?
Sincèrement vôtre,
Professeur Robert MOLIMARD
Professeur honoraire à la Faculté de Médecine Paris-Sud
Fondateur du DIU de Tabacologie Paris11-Paris 12
Fondateur de la Société de Tabacologie
Alors, un nouvel enfumage pour faire croire qu'on existe ?
Ces remarques du pionnier - passablement mésestimé - de la tabacologie en France permettent de mettre en doute la sincérité ou la compétence de ceux qui sont censés combattre le tabagisme, notamment en permettant aux fumeurs de se libérer de leur dépendance.
Comité Caniche de l'Organisation Mondiale de la Santé et ardent propagandiste de ses politiques fumeuses - il n'est qu'à constater que les paquets neutres n'ont en rien fait baisser la consommation de tabac - le CNCT n'a guère de chances de voir sa plainte aboutir. Nous sommes entrés dans une époque où la propagande prime sur les faits - notamment scientifiques - et ceci permet à notre comité Théodule de faire croire qu'il existe, et de bénéficier d'argent public, c'est-à-dire de nos impôts, pour inspirer et cautionner des politiques publiques aberrantes, voire criminelles dans le cas de la cigarette électronique.
Post scriptum
Pays-Bas : classement sans suite d’une procédure lancée par les anti-tabac contre les quatre principaux fabricants
Mercredi 21 février 2018, le « Dutch Public Prosecution Service » (Ministère Public néerlandais) a annoncé qu’il ne donnait pas suite à une procédure visant à poursuivre pour meurtres et homicides les quatre principaux fabricants de tabac. Le Procureur justifie la décision : « Fumer est mortel et la conception des cigarettes y contribue mais les fabricants de tabac n’agissent pas en contrevenant aux lois ou réglementations ».
Références
- CNCT, 09/02/2018, Le scandale du « filtergate »
-
Tabac : les cigarettiers accusés de tricher sur la teneur en goudron et nicotine, Le Monde, 09/02/2018
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Lynn T. Kozlowski, Indicateurs physiques du rendement effectif des cigarettes en goudrons et nicotine
Transcription de l'exposé fait lors de la 3e Journée de la Dépendance tabagique à Paris le 8 Juin 1985 (10 pages dont deux de références). -
Croyances, manipulations et mensonges en matière de tabac
Robert Molimard, "Le Courrier des Addictions" (2011)13;(1), 13-17.
A lire sur le même sujet
- TobaccoGate, un point pour y voir plus clair
Guillaume BAILLY, Vaping Post, 12/02/2018 - « Filtergate » : les fabricants de tabac accusés de mettre la vie d’autrui en danger. Et l’Etat ?
Journalisme et Santé Publique, Jean-Yves Nau, 09/02/2018 - Claude Bamberger (commentaire Facebook)
Juste pour mémoire, l'article (et le communiqué) indique que la nicotine est associée aux maladies cardio-vasculaires...
Par ailleurs il propose "pour la santé des fumeurs", de diminuer d'un facteur 3 à 5 la nicotine émise par les cigarettes de tabac (qui aurait pour conséquence d'augmenter le nombre de cigarettes fumées, déjà augmenté par la disparition règlementaire des cigarettes "fortes").
Pas un mot sur la responsabilité des autorités (qui ont choisi le protocole de mesure, qui n'ont pas exprimé de volonté de le changer ou d'en créer un autre dans les cadre des travaux de normalisation internationaux qui sont ouverts), ni un "travail de fond" journalistique (5-10 minutes de lecture du sujet) permettant de signaler que cela date de plusieurs décennies, ni que plus récemment les autorités françaises ont fait retirer ces informations des paquets neutres ("les fumeurs ne les comprennent pas et en déduisent que certaines cigarettes seraient moins nocives") et ne les publient toujours pas en détail sur une site de référence, contrairement à leur engagement.
Pas un mot non plus de certains points de la Directive sur les Produits du Tabac (TPD) qui ne sont pas respectés par les cigarettes validées par les autorités sanitaires (article 7, point 6d).
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