UnAirNeuf.org critiquait hier la prétention de cliniciens de laboratoire à une plus grande rigueur scientifique par rapport aux études observationnelles sur les usages de la cigarette électronique (vapotage).
Nous en avons ce jour une illustration probante avec la publication d'une étude lancée en 2016 à partir de l'enquête PATH (Population Assessment of Tobacco and Health) qui fait référence aux Etats-Unis d'Amérique [1] :
"This large US nationally representative study does not support the hypothesis that switching to e-cigarettes will prevent relapse to cigarette smoking."
Cette vaste étude représentative aux États-Unis ne soutient pas l'hypothèse selon laquelle passer au vapotage prévient la rechute dans le tabagisme.
La première réaction que nous pouvons avoir concernant de telles informations est que les auteurs sont influencés (pour le dire gentiment) par des groupes d'intérêt antivape, comme l'est l'Organisation Mondiale de la Santé par (mauvais !) exemple. C'est possible mais le dossier de l'auteur principal, John Pierce plaide plutôt en faveur d'une certaine indépendance d'esprit : UnAirNeuf.org en 2008 avait fait état d'une étude publiée par lui dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) en 2002 mettant en évidence le gouffre séparant les essais cliniques réalisés sur des populations sélectionnées et la réalité sur le terrain [2].
Nous citions sa conclusion alors [3] :
Une augmentation de l’accès aux traitements pharmacologiques (suite à leur commercialisation sans prescription médicale en Californie à compter de 1996) n’est pas « associée à un accroissement de la cessation du tabagisme dans la population ».
Nous y citions une autre étude, réalisée sous la direction de Anne Hartman du très institutionnel National Cancer Institute (NCI, Maryland, USA), présentée en juillet 2006 à la Conférence Mondiale sur le Tabac (WCTOH) le 14 juillet 2006. Concernant 8200 fumeurs réguliers depuis plus d'un an, âgés de 25 ans et plus et dont la tentative d'arrêt date de moins d'un an, Anne Hartman montrait l’inefficacité dans la vie réelle des palliatifs nicotiniques si l’on considère la cessation du tabagisme à 9 mois [4].
Ce qui peut être vrai lors d’études 'contrôlées' n’est pas conforme à la réalité observée sur le terrain ! Il n'est pas exact que les palliatifs nicotiniques 'doublent les chances de succès' : ils peuvent bien doubler à un moment donné la probabilité d'arrêt par rapport à une substance sans action pharmacologique nommée 'placebo'... Dans la vie réelle, la probabilité de l’abstinence décroit avec le temps ; au-delà de six mois, l’arrêt du tabagisme est majoré EN S'ABSTENANT DU RECOURS A LA SUBSTITUTION NICOTINIQUE.
Il ne faudrait pas que l'ardeur à proposer aux fumeurs une solution pour les aider à mettre un terme à leur addiction leur laisse croire qu'avec la vape, ça marche comme sur des roulettes...
Et pourtant ! Deux études cliniques récentes de qualité ont rapporté que les cigarettes électroniques (avec assistance et conseil) peuvent aider les fumeurs à arrêter de fumer :
- Hajek et al. ont comparé l'efficacité des cigarettes électroniques par rapport à un traitement de substitution nicotinique et ont rapporté que les personnes randomisées pour les cigarettes électroniques étaient plus susceptibles d'être abstinentes de la cigarette pendant un an que ceux randomisés pour la nicotine pharmaceutique [5] ;
- Eisenberg et al. ont rapporté que les volontaires randomisés pour recevoir des cigarettes électroniques et des conseils étaient plus susceptibles d'être abstinents de cigarettes à 3 mois qu'un groupe témoin avec seulement du conseil [6].
Et pourtant ! Les analyses de l'étude observationnelle PATH et d'études de cohorte similaires rendent compte que si l'utilisation de cigarettes électroniques pour aider à arrêter de fumer est bien associée à une abstinence de cigarette à court terme, corroborant ainsi les résultats de ces essais randomisés, à long terme l'abstinence au tabagisme n'est cependant pas démontrée.
En toute chose, il faut savoir raison garder. Beaucoup de vapoteurs n'ont pas forcément l'intention d'utiliser une nouvelle méthode pour cesser de fumer, ce qui est strictement leur droit le plus absolu.
p.s.
Une absence de preuve n'est pas une preuve d'absence d'effet... L'étude de Pierce montre quand même - lueur d'espoir - que ceux qui vapotent sont plus susceptibles que retenter de cesser de fumer après une rechute que ceux n'ayant pas vapoté ; et donc de redevenir non fumeur ultérieurement.
Références
- John P. Pierce & al., JAMA Network Open. October 19, 2021
Incidence of Cigarette Smoking Relapse Among Individuals Who Switched to e-Cigarettes or Other Tobacco Products - Pierce JP, Gilpin EA. JAMA. 2002;288(10):1260–1264.
Impact of Over-the-Counter Sales on Effectiveness of Pharmaceutical Aids for Smoking Cessation.
http://jama.ama-assn.org/cgi/content/abstract/288/10/1260 - Les patchs ne gagnent pas le match
- What does U.S. national population survey data reveal about effectiveness of nicotine replacement therapy on smoking cessation ?
- Hajek P, Phillips-Waller A, Przulj D, et al., N Engl J Med. 2019
A randomized trial of e-cigarettes versus nicotine-replacement therapy. - Eisenberg MJ, Hébert-Losier A, Windle SB, et al; JAMA. 2020.
Effect of e-cigarettes plus counseling vs counseling alone on smoking cessation: a randomized controlled trial.
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