Voici un extrait du support de cours de Tabacologie médicale du Pr Molimard expliquant sa position concernant l'acupuncture en tant qu'aide à la cessation du tabagisme
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On est obligé, sous la pression de l'opinion publique et des patients, de prendre en compte l'acupuncture. Après avoir été la méthode dominante, c'est encore une thérapie fréquente dans le traitement du tabagisme. Il est clair que l'attitude du thérapeute est une part importante du succès. Il est de ce fait très difficile d'évaluer [objectivement] l'acupuncture.
Si l'acupuncteur est l'expérimentateur, le patient percevra bien une attitude non-verbale différente selon qu'il pique un point auquel il croit ou un point qu'il juge "placebo", et cela induit un biais. Gilbert Lagrue a fait une étude comparée à double insu de point "vrais" et de points "placebo" et n'a pas trouvé de différence. Mais les acupuncteurs rétorquent que seul un acupuncteur expérimenté peut trouver les vrais points et placer convenablement les aiguilles. C'est un dialogue de sourds.
Dix-huit publications décrivant des essais randomisés comparant l'acupuncture à de l'acupuncture factice (points au hasard) ou à d'autres interventions ont fait l'objet d'une méta-analyse [1]. Les résultats immédiats seraient légèrement favorables : après 6 semaines, ils seraient 1,22 fois plus élevés, mais avec une marge d'erreur à la limite de signification statistique ( 0,99-1,49). Mais avec 6 mois ou un an de recul, aucune différence n'est plus démontrable (à 6 mois: x 1,38 [0,90-2,11] et 1 an: x 1,02 [0,72-1,43]).
Pour ma part, compte tenu du contexte culturel, lorsqu'un patient vient me dire que sa sœur s'est arrêtée de fumer grâce à l'acupuncture et qu'il en veut, je ne vois pas de quel droit je lui refuserais cette expérience que je considère nécessaire à sa maturation, et qui a le mérite de n'être point dangereuse. L'essentiel, en ces temps de risque viral, est d'avoir des aiguilles bien stérilisées, ou d'utiliser des intradermiques jetables, la plupart des acupuncteurs ne croyant plus guère aux vertus différentielles de l'or et de l'argent.
Cependant, compte tenu des conclusions des deux récentes conférences de consensus américaines, qui concluent que ni l’acupuncture ni l’hypnose n'ayant fait la preuve de leur efficacité, elles ne peuvent être des techniques à recommander, il n’est pas éthique de les présenter au patients comme des méthodes efficaces.
Chaque acupuncteur a sa méthode, ce qui fait qu'il est difficile de standardiser. Je me suis donc fait enseigner par l'un d'entre eux l'art et la manière dont il plantait ses aiguilles dans des points qu'il jugeait efficaces, c'est à dire :
- Dans l'oreille, au niveau de l'antitragus.
- Dans le cuir chevelu, à deux travers de doigt au dessus du pavillon de l'oreille.
- A un cm en dehors de l'angle externe de l'oeil.
- A la racine du nez, au niveau des plis sourciliers.
- On termine, car c'est plus douloureux, par l'aile du nez, au sommet du pli naso-génien.
- Certains acupuncteurs préconisent de mettre une aiguille dans la fosse sus-sternale.
Il va sans dire que cela ne me dispense pas d'enseigner au patient les stratégies que je pense utiles pour supporter le sevrage, et de lui dire que s'il ne réussit pas nous pouvons lui offrir d'autres soutiens.
Pr. Robert MOLIMARD, "METHODES" D'ARRET DU TABAC
(support de formation DIU Tabacologie, 2005, mise à jour 2009),
Déclaration d'intérêts
Référence
- White AR, Rampes H, Ernst E. Acupuncture for smoking cessation, Cochrane Review 2001