Dans un article récent sur son blog [1], Jacques Attali reprend le dogme de la prohibition du tabac :
« Il ne faut plus tergiverser. Tout est clair désormais : il faut interdire la production, la distribution et la consommation de tabac. On remettrait en cause quelques emplois ;
- les Etats perdraient quelques recettes ;
- on encouragerait pour un temps le marché noir ;
- on devrait faire quelques dépenses pour désintoxiquer ceux qui le sont.
- Mais on gagnerait tant en qualité et en espérance de vie que le bilan, même économique, serait évidemment partout positif. »
Cette vision purement technocratique fait fi du plaisir que les jeunes ont de fumer et de se retrouver à partager du bon temps en fumant (du tabac !). Elle est excessivement attentatoire aux libertés et au bien-être social, car il est observé que les fumeurs ont une vie sociale plus riche et épanouie que celle des abstinents. Mais il nous semble surtout que cette solution Yaka Fokon est totalement impraticable en démocratie.
La réduction du risque : un choix pragmatique
Il existe une alternative : le choix de la réduction du risque, un tabagisme 'avec modération'. Ce choix est malheureusement contraire aux intérêts de Big Pharma, qui encourage de toutes les façons possibles la visée d'un arrêt complet et définitif afin de favoriser les ventes de ses palliatifs dont on connait le peu d'efficacité chronique. Ce segment de produit est devenu une véritable vache à lait des fabricants et des officines : vendre 2 € le timbre trandermique de nicotine pour 24 heures alors que le prix de revient unitaire se calcule en centimes (3 centimes ? 5 centimes ?) est une belle et bonne affaire. Surtout quand cela ne sert à rien et qu'il faut recommencer et recommencer. Les fumeurs sont tondus deux fois...
Les options pharmaceutiques pour l'aide à la cessation du tabagisme mènent à une impasse sanitaire
La varénicline (marque Champix° de Pfizer) est de même un "blockbuster" : Nielsen estime que 300 millions de dollars ont déjà été dépensés en publicité pour ce produit aux USA. C'est dire les enjeux financiers de l'aide au sevrage tabagique.
Malheureusement personne n'est capable de dire quelle est l'efficacité de ce 'traitement' : cinq ans après la mise sur le marché, il n'existe encore aucune étude montrant que ce produit aide réellement les fumeurs à cesser le tabagisme [2]. Il est quand même incroyable qu'aucun chiffre de résultat dans la vraie vie n'ait jamais été publié. Est-ce un secret ? Ce produit serait-il non une pilule miracle mais une variante nouvelle d'une arnaque pharmaceutique ? Nous le suspectons.
Nous le suspectons pour une raison très simple : ce qui fait l'efficacité du 'traitement' est l'accompagnement du prescripteur. La simple ordonnance et le suivi des effets secondaires éventuels (particulièrement courants et parfois mortels) ne sauraient permettre au fumeur de se reconstruire une identité de non-fumeur. La dimension psychologique est évacuée par la médecine de ville, par faute de temps et de manque de rentabilité notamment. À un an, il n'est pas établi que cette pharmacothérapie soit plus efficace que les palliatifs nicotiniques, qui ne sont d'aucune utilité durable au fumeur non plus ! [3]
Les options pharmaceutiques pour l'aide à la cessation du tabagisme mènent à une impasse sanitaire. Les "dépenses pour désintoxiquer ceux qui le sont" sont une dépense inutile. Il existe une alternative, que nous présentons ci-après dans le commentaire posté sur le blog de Jacques Attali [4].
Cher Jacques,
Un pays a déjà interdit la vente de tabac : le très peu démocratique Bhoutan. On y fait la chasse aux fumeurs jusqu'à l'intérieur de leur domicile. La prohibition du tabac a été tentée par différents dictateurs et tyrans de tout poil sans succès notable. L'histoire nous dit que cela n'a jamais marché. Quand bien même ce propos est celui que tient la très opaque OMS (Organisation Mondiale de la Santé), c'est une chimère superfétatoire.
Que faire alors ? L'OMS combat avec la plus grande énergie la cigarette électronique et le tabac oral, qui sont, avec les palliatifs de nicotine pharmaceutique, des solutions durables permettant de gérer la dépendance dans la durée à moindre risque. Le professeur canadien de santé publique Carl V Philipps calculait récemment que profiter à vie de la cigarette électronique ou du Snus (tabac oral) présentait environ le même risque qu'un seul mois supplémentaire de tabagisme :
Debunking the claim that abstinence is usually healthier for smokers than switching to a low-risk alternative, and other observations about anti-tobacco-harm-reduction arguments
Carl V Phillips, Harm Reduction Journal 2009, 6:29 doi:10.1186/1477-7517-6-29
http://www.harmreductionjournal.com/content/6/1/29
On se demande alors bien pourquoi les autorités sanitaires sont vent debout contre ces alternatives, hormis évidemment celle consistant à consommer à vie de la nicotine labélisée pharmaceutique. Cette attitude démontre que la santé n'a rien à voir avec les agendas politiques : il faut faire croire au peuple que l'on se préoccupe de son bien-être tout en le laissant consommer ses drogues favorites...
Si l'on voulait réellement attaquer le problème sanitaire que pose le tabagisme on mettrait d'office à la retraite tous les experts véreux des comités scientifiques et l'on favoriserait le choix de ces solutions sans risque sérieux. Où y a t-il le moins de cancers dans les pays développés ? En Suède, seul pays de l'Union Européenne où la vente de Snus est légale. Il y a aussi deux fois moins de fumeurs en Suède qu'en France ou au Royaume-Uni. Vérifiez !
L'OMS a fait le choix de favoriser la vente de gri-gris pharmaceutiques sans utilité sur l'arrêt en recommandant l'arrêt complet du tabagisme. Une alternative sérieuse et pragmatique consisterait à faire évoluer ce dogme qui relève de la foi ou de la croyance, deux modes de pensée qui se moquent de la vérité des faits, vers la réduction du risque du tabagisme.
Ce qui n’interdit pas l’heureuse surprise que l’on est en train de découvrir : passé un certain temps, beaucoup d’accros au tabac ou aux produits nicotiniqués du commerce se lassent de leur doudou et cessent toute consommation.
Lire la suite sur Unairneuf.org.
Références
- Bien pire que le Médiator: le tabac, "Conversation avec Jacques Attali", 06.02.2011
- Chantix / Champix Worth Questioned, whyquit.com, 06.01.2011
- Les patchs ne gagnent pas le match
- Commentaire Unairneuf, 07.02.2011 (posté à 12h18, "en attente de modération")
Mises à jour
- 08.02.2011 13h30 : le commentaire a été censuré. Nous faisons appel...
- 11.02.2011 14h50 : M. Attali n'a pas encore lu mon message. Ou bien, fait le sourd. Dommage. On s'exprime plus librement sur Unairneuf.org...
- 14.02.2011 14h50 : Considérons la censure comme définitive donc.
La reprise de notre commentaire sur le blog d'Yves Thréard, (Il faut interdire le tabac, blogs du Figaro, 10.02.2011) connait la même excommunication.
Lire aussi l'analyse de Bruno Pain sur Terra Nova Sciences Po, le 12.02.2011 : Vous avez dit individualisme ?, pour qui l’interdiction du tabac proposée par Jacques Attali ne constitue ni plus ni moins qu’une négation du droit à l’erreur. L'article se termine sur cette citation de Benjamin Franklin :
« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux ».